Avant d’entrer dans une maison faite sur mesure, on enlève ses chaussures. On se retrouve dans une pièce intime : un salon afghan, qui nous plonge dans ce pays où la femme n’est plus vraiment, où tout lui est retiré, tout lui est refusé.
Lorsque l’on entre, des tapis jonchent le sol, dessus, des assiettes en céramiques de couleur crème, bleue, rouge et verte y sont posées. Sur celles-ci, des inscriptions en calligraphie arabe, des poèmes, ainsi que des dessins peints à la main ou sculptés : des fleurs, des portraits de femmes, une à dos de cheval, d’autres nues et même une femme qui porte une arme…
On s’assied sur des coussins de velours rouge sous le bruit d’une discussion de cuisine : un plat est en train d’être préparé, assiettes et casseroles s’entrechoquent. Puis, une femme vêtue d’une robe zébrée, maquillée, entre et s’assoit en bout de table. La pièce, mise en scène par la journaliste Caroline Gillet et l’artiste afghane Kubra Khademi, commence.
Quand le théâtre est politique
Une voix résonne, celle de Raha, incarnée par Sumaia Sediqi. Elle a 21 ans et raconte son quotidien après la prise de pouvoir des talibans en 2021, démunie de droits, enfermée dans son appartement à Kaboul. Pour elle, la vie est un retour dans le passé où les femmes n’ont plus le droit à rien, ni d’étudier ni même de sortir, renvoyé au rôle domestique uniquement.
Son récit, à la fois doux et douloureux, est imagé par des vidéos prises clandestinement, projetées de part et d’autre de la pièce dans des fenêtres reconstituées. On y voit ses rues, ses paysages, ses habitants : principalement des hommes, citoyens ou talibans armés.
Attentif et la gorge serrée, le public écoute ce témoignage malgré tout empreint d’espoir. Sans un mot, elle repart, en musique. Reflet d’une femme afghane libérée, peut-être Raha si elle n’était pas oppressée.
LILLI BERTON FOUCHET
One’s own room inside Kabul est donné jusqu’au 24 juillet à la salle des colloques au Cloître Saint-Louis.
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