« Nous sommes convaincus qu’un musée, c’est un endroit où l’on peut aller mieux », disait Pierre-Olivier Costa, président du Mucem, pour introduire la nouvelle exposition Don Quichotte, Histoire de fou – Histoire d’en rire, et la 2e édition de Bien dans ma tête, un temps fort « Santé mentale et création » qui a eu lieu les 17 et 18 octobre. En effet, les institutions culturelles ont là-dessus un rôle à jouer, comme l’a initié le MO.CO, centre d’art contemporain de Montpellier, précurseur en France de l’« Art sur Ordonnance ». Une équipe de cardiologues de la Pitié Salpêtrière a ainsi établi que contempler une œuvre artistique réduit le rythme cardiaque et libère de la dopamine. Ce qui en fait une activité particulièrement adaptée en cas de symptômes anxieux, de dépression, de maladie chronique, ou suite à l’annonce d’un diagnostic difficile.
Happer par le plaisir
Les deux commissaires de l’exposition, Hélia Paukner et Aude Fanlo, ont quant à elles visé « d’abord à susciter le plaisir, l’enthousiasme, la curiosité », autour de l’incroyable personnage créé par Miguel de Cervantes en 1605. Un homme délirant, en décalage avec son époque, pris par ses fantasmes de chevalerie, qui aurait pu être inquiétant, mais, comme le formule Marie-Charlotte Calafat, directrice scientifique et des collections du Mucem, « nous rappelle plutôt qu’il faut une part de folie pour continuer à croire en la beauté du monde ».
« Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ? » semble lui répondre une citation de Paul Valéry, au mur. Don Quichotte, un plat à barbe en guise de heaume sur le chef, est un surgissement d’incongruité déplaçant tout autour de lui. Dans le roman, comme dans ses innombrables représentations peuplant l’histoire de l’art ou la culture populaire depuis quatre siècles. Si la perception du chef d’œuvre a évolué depuis son succès, immédiat, il ne s’est jamais démenti depuis la parution. « À l’origine, explique Aude Fanlo, sa dimension comique était la plus présente. Mais progressivement, son héroïsme désuet est passé du ridicule à l’incarnation des combats impossibles : celui qui tombe et toujours se relève. »
Taïaut sur Rossinante
La scénographie, dans une disposition particulièrement généreuse, démontre à quel point chaque époque a fait son miel des aventures donquichottesques. Les visiteurs s’arrêteront bien-sûr devant l’encre de Chine ultra-fameuse de Pablo Picasso, prêtée par le musée Paul Éluard : en trois traits, tout y est, jusqu’au soleil éclatant de la Manche qui tape un peu trop fort. Les gravures de Gustave Doré, sa facétieuse statuette de chevalier jouant à saute-mouton. Ou encore les splendides illustrations de Salvador Dalí montrant, en un tourbillon et une anatomie brinquebalante, la dynamique tendre entre l’hidalgo et son compagnon Sancho.
Puis, de clin d’œil en clin d’œil, les œuvres contemporaines, notamment Asneria, âne empaillé de Pilar Albarracín, juché sur une pile de livres dont… le catalogue de l’exposition. Ou bien la performance d’Abraham Poincheval, filmé parcourant la campagne en armure. Les férus de graphisme et bande dessinée repéreront une édition manga, dans la série One Piece, les interprétations du mythe par Quentin Blake ou Rob Davis. Quant aux fonds du Mucem, ils ont fourni des cartes réclame épiques, pour du cirage, des pansements, du vin… Décidément, l’imaginaire de Cervantès a frappé l’humanité de bien des manières.
GAËLLE CLOAREC
Don Quichotte
Histoire de fou – Histoire d'en rire
jusqu'au 30 mars
Mucem, Marseille
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