La chorégraphe nord-irlandaise clôt sa résidence au Pavillon Noir sur un diptyque plein d’humanité et de rage
Voilà une dizaine d’années qu’Hope Hunt and the Ascension into Lazarus parcourt les scènes européennes. Et cinq ans que ce solo est interprété sur scène non plus par Oona Doherty elle-même, mais par la – toujours formidable – Sati Veyrunes. Projeté hors d’une voiture tunée, scotch noir en guise de vitre, la danseuse en chignon et survêtement interpelle les chauffeurs, le public rassemblé sur le parvis, saute, exulte, vocifère. Une fois installé sur la scène du Pavillon Noir, le petit malfrat surjoue la virilité, convulse, dodeline, hanches ouvertes, genoux pliés, main sur l’entrejambe. Ses gestes et sa parole s’imposent, se délient et se décomposent : du cri de supporter – « Chelsea ! » – au « Scheiße ! » allemand, en passant par des invectives destinées en français à une certaine Stéphanie. L’opus n’a rien perdu de sa virtuosité et de sa capacité à pointer la sur-masculinité prêtée à une classe ouvrière délaissée, montrée ici dans toute sa rage mais aussi sa grâce.
Faire corps
Ce sont d’autres histoires et d’autres corps que la chorégraphe scrute avec The Wall. Créé avec la National Youth Dance Company d’Angleterre, le dispositif puise dans des entretiens avec les danseurs du Ballet Junior une parole intime, redécoupée, parfois trafiquée, devenue bande son de la chorégraphie. On y entend les doutes, les traumatismes, mais aussi les espoirs d’une génération pétrie de promesses et d’espoir. Porté par les identités propres des danseurs et danseuses mais aussi par leur sens du collectif, l’opus se révèle façonné de doutes, de tâtonnements mais aussi d’un désir communicatif de faire corps. L’humour et le goût du sang se nichent encore de-ci de-là : dans l’utilisation à contresens de La Marseillaise, dans le dialogue entre le sérieux de tableaux travaillés et les moments de relâchement, eux aussi minutieusement orchestrés. Une belle ode à la jeunesse et à ses possibles.
SUZANNE CANESSA
Hope Hunt and the Ascension into Lazarus et The Wall ont été dansés les 27 et 28 novembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence.
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