Tous deux se sont immergés au cœur de notre système judiciaire, rencontrant avocats, gardiens, magistrats tout autant que victimes et détenus. De leurs observations est né Léviathan, écrit par l’un et mis en scène par l’autre.
Le choix de la distance et de l’exagération met en place un spectacle qui tient du cirque et de la pantomime en caricaturant les personnages, en figeant ou en exagérant la gestuelle. Ni réquisitoire, ni documentaire, le spectacle propose une vision à la fois distanciée et brutale en accentuant la violence des propos et des situations dans une mise en scène originale avec projections de portraits en gros plans et une bande son inquiétante.
Une « cour des miracles »
Le plateau est couvert de terre, côté jardin un homme est assis et nous regarde. Au plafond une immense voile orangée évoque un chapiteau. Successivement trois personnages seront questionnés, durement, avec une certaine exaspération par la présidente aux gants rouges.
Le procureur s’acharne contre deux hommes et une femme, aux visages recouverts d’un voile léger, la démarche hésitante, à l’élocution difficile qui tentent de se justifier. Tandis que l’importance des peines est dénoncée alors qu’il n’y a pas de victime, le visage des avocats, recouvert de masques rigides qui libèrent les yeux et la bouche, souligne leur désintérêt.
L’intervention spectaculaire d’un cheval pommelé apporte une image poétique de liberté, il se dirige vers la chaire de la présidente et broute les dossiers qui s’y sont accumulés. Puis l’homme assis du début, le seul qui n’ait pas de masque et porte un vêtement ordinaire, intervient face au public, parle de « cour des miracles » et de justice expéditive. La représentation s’interrompt sur un long silence et c’est le public qui décide le démarrage des applaudissements. Fort et déstabilisant.
CHRIS BOURGUE
Léviathan a été joué les 28 et 29 novembre à La Criée, Théâtre national de Marseille
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