La toute nouvelle galerie auto-co-gérée de Barjols, l’Espace Simple Vitrage, accueille l’exposition Encre de Nuit concoctée par Christian Nironi, dit Chire, qui livre ici une nouvelle facette de son travail. Sculpteur (diplômé des Beaux-Arts de Paris, section sculpture en 1986), il se tourne vers quantité d’autres supports, surprenant sans cesse les publics qui suivent le cheminement de son œuvre. Poétique, celle-ci glane les matières les plus diverses, passe du papier aux objets récoltés, cueillis, à la vidéo, la peinture, l’encre de chine, s’anime en performances vivantes autour du thème de l’eau. On a d’ailleurs pu en applaudir quelques-unes lors des manifestations organisées par les éditions Plaine Page, comme Les Eauditives. Certains thèmes le hantent – le passage, le seuil, la mémoire des sens, l’eau (il est né à Barjols, cité de l’eau) – et nourrissent une inspiration avide d’expérimentations sonores, plastiques, redessinant les imaginaires.
Trois éléments entrent dans l’étape présentée lors de l’exposition Encre de Nuit : l’encre de Chine, l’eau et le papier. « Je suis juste le gardien du troupeau, sourit-il. J’avais un lot de papier glacé dont j’aime la matière, abandonné par un imprimeur. J’ai multiplié les tentatives avec mes encres, leur capacité à habiter les feuilles, y couler, s’y inscrire. Au départ, les supports sont très grands, je zoome, je découpe, je choisis, je jette aussi, beaucoup… Tout doit aller très vite, sans reprise. En trois minutes tout est scellé. Aucun retour n’est possible. Je guide, je rassemble, je me laisse surprendre… »
« Sans titre »
Les titres collés sur de petits papiers, sous ou à côté des œuvres encadrées, sont de véritables pieds de nez aux étiquettes qui présentent d’ordinaire les tableaux d’exposition. Nombreux sont ceux qui débutent par la préposition « sans » : « sans titre », « sans rire », « sans rien », « sans quoi ? », avec des variantes homonymes, « sang-froid », « sens dessus-dessous ». Ou interpellent le passant : « Holà ! », « tout est à voir ! », « comment dire ? », « vas-y en premier », « Kaoucoik ». Puis s’échappent en clin d’œil poétique : « l’âme de fond »… Chaque tableautin suit le double axe d’amples mouvements qui rythment et structurent des détails foisonnants au cœur desquels on aime se perdre. Ici, un paysage se dessine. Là, une vision tourmentée brosse ses emportements baroques. Là encore, un ciel offre l’onirisme de ses nuages. Les formats de petite taille enferment des respirations immenses. L’artiste explique encore : « L’eau est là. Sur le papier un travail est à l’œuvre, encre noire, dilution, diffusion, coulures, absorption, rejets, dépôt, impression, puis l’eau lassée se retire ailleurs, intacte, contente de la farce, et puis voilà ! Le jour peut se lever. »
MARYVONNE COLOMBANI
Encre de Nuit, Christian Nironi Jusqu’au 31 août Tous les vendredis (18 à 20 heures) et dimanches (11 à 13 heures) Galerie Simple Vitrage, Barjols 06 12 90 49 25