Pour qui n’est pas au point sur l’histoire du Festival d’Avignon, un récapitulatif s’impose. Une frise chronologique est accrochée à l’entrée de la cour du cloître des Célestins. Réalisée par les étudiants sortants de l’école de la Manufacture de Lausanne, elle récapitule les directeurs successifs, leurs politiques, les spectacles cultes. Toute la pièce consiste à passer en revue les événements marquants du Festival. À partir de recherches documentaires, Fanny de Chaillé a imaginé ce spectacle pour réfléchir à ce qui « fait théâtre » au présent à partir d’un passé qu’elle transmet. Une mise en abyme originale qui permet d’entrer dans ce rendez-vous par le prisme de l’intime des étudiants, qui s’approprient les archives et s’inspirent de leurs propres souvenirs.
Mythologie du théâtre
Le seul nom d’Avignon suffit à convoquer les images du mythique festival de théâtre, et a forgé de jeunes acteurs. Pour partager les archives, il suffit de les rendre vivantes sans décors ni costumes. La troupe reconstitue les scènes de spectacles, figées pour la photo, ou rejouées avec le phrasé propre aux acteurs de l’époque, tout en humour et minutie. Les périodes défilent : des premiers pas de la troupe du Théâtre National Populaire de Jean Vilar en 1947, à Carte noire nommée désir de Rebecca Chaillon en 2023, les témoignages et expériences personnelles sont revécus avec la même intensité. Mais pas question de perdre les spectateurs. Le propos se veut didactique et même sans références, personne n’est exclu. Les explications accompagnent toujours les moments-clés illustrés au plateau. Et elles sont les bienvenues, comme lorsque les acteurs investissent les gradins à moitié nus pour dénoncer la guerre dans une reconstitution de Paradise Now du Living Theater en 1968 qui a de quoi surprendre !
S’approprier l’histoire du Festival
Pour autant, le spectacle n’est pas pensé comme une hagiographie du Festival d’Avignon. Admiratifs des metteurs en scène ou des acteurs, les jeunes comédiens savent aussi être critiques. Les scènes sont ponctuées de débats enflammés ou de mises à distance ironiques comme lors de la reprise de l’interprétation de Maria Casarès dans Le Cid. Que peut encore le théâtre aujourd’hui ? Et quelle place lui laisse-t-on en France ? Les politiques culturelles, l’entre-soi du Festival, l’absence de diversité sur scène, la cherté de la culture, ou le snobisme de la critique journalistique sont abordés, aussi bien parce qu’ils revêtent une importance capitale pour ceux qui jouent, qu’ils s’adressent à ceux qui regardent. Avignon, une école signe donc une sortie en apothéose pour ces élèves de troisième année qui auront pour mission de prolonger ces réflexions.
CONSTANCE STREBELLE
Avignon, une école a été donné du 10 au 12 juillet au cloître des Célestins, Avignon