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Agnès Régolo et ses drôles d’humains hybrides

L’Oiseau vert, créé au Jeu de Paume par la compagnie marseillaise Du Jour au lendemain, est un régal féroce et vivifiant !

Agnès Régolo, metteuse en scène qui aime monter des textes, a choisi la pièce de Carlo Gozzi parce qu’elle conserve, 260 ans après son écriture, une modernité étonnante. Ses parties improvisées  permettent aux metteurs en scène d’y introduire des éléments d’actualité, mais surtout ses personnages, féériques, hybrides, inconstants, traversés d’orgueil, d’ingratitude et de désirs infantiles, composent une humanité intemporelle et vivent des conflits familiaux qui restent, par leur absence de manichéisme, proches des nôtres. 

Renzo et Barbarina, jumeaux sauvés des eaux par un charcutier peu honnête et sa femme très généreuse, sont des enfants méchants, de drôles de prince et princesse pas finis, raisonnant avec une sécheresse du cœur philosophique (version ascétique) tant qu’ils sont pauvres, puis comme d’insupportables parvenus orgueilleux quand la richesse les atteint. Pourtant ils sont bien les héros d’une comédie d’apprentissage où le roi (Kristof Loriot, roi enfant qui semble tiré d’un livre d’images) pleure sa ninette enfouie sous l’évier, où la reine-mère et sa belle-fille (celle qui est enfouie sous l’évier) se ressemblent comme dans rêve trop freudien. La même comédienne (Johanna Bonnet, merveilleusement cruelle), endosse le rôle de ces deux maîtresses-femmes, gourmandes et sensuelles, et celui de la statue dont Renzo, le petit-fils, tombera amoureux. 

Monstres et inconscient infantile

Attachement infantile freudien, menace d’inceste, infanticides et meurtre, cupidité, orgueil et ivrognerie, l’humanité de L’Oiseau vert semble bien fragile, et les monstres hybrides, statue zombie qui protège, oiseau parleur qui aime, femme minérale, sont bien plus « humains ». Ils parviennent à sauver les jumeaux des menaces familiales : Renzo (Raphaël Bocobza, têtu et raisonneur à souhait) affronte le danger par amour pour sa statue et pour sa sœur, et celle-ci (lumineuse Tamara Lipszysc) quitte à son tour son arrogance satisfaite pour sauver son frère et se laisser aller à l’amour… 

Georges Appaix a réglé quelques petits moments de danse douce qui mettent beaucoup d’humanité dans les rencontres, et la musique de Guillaume Saurel accompagne les fracas et joies de l’intrigue, à travers la scénographie simple d’Erick Priano qui rappelle le vortex d’un voyage dans le temps. Le public, petits et adultes, rit de la férocité, des trouvailles, des excès, sans croire à cette histoire incroyable, un peu comme on goûte au plaisir d’un cartoon. Où les femmes, sans être plus positives que les hommes, sont sacrément plus solides !

AGNÈS FRESCHEL

L’Oiseau vert a été créé au Jeu de Paume, Aix en Provence, du 22 au 26 novembre.
À venir
29 novembre
Le Sémaphore, Port de Bouc

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