C’est une petite fille espagnole de 8 ans, Sofia Otero qui a remporté cette année le prix d’interprétation à la Berlinale. C’est une petite fille encore qui, au dernier Festival de Cannes, était une des plus jeunes stars de la Croisette. Du haut de ses 11 ans, Lua Michel incarne Salomé, le personnage principal d’Alma Viva, réalisé par sa mère, Cristèle Alves Meira.
Sélectionné à la Semaine de la Critique, ce premier long métrage nous emmène au nord-est du Portugal, dans un village peu touristique loin des cartes postales. Une région montagneuse où subsistent les superstitions et des rituels païens. Salomé, comme d’habitude, y passe ses vacances dans la famille de sa mère, restée en France. Il y a Avó la grand-mère (Ester Catalão) une sorcière qui aide les morts à trouver le repos, et reconnaît en sa petite-fille ce don héréditaire de s’ouvrir aux Esprits. Il y a l’oncle aveugle qui chante les airs anciens, et celui, émigré, qui revient au pays, pour les vacances, dans sa grosse voiture pour superviser le chantier d’une villa avec piscine. Il y a la tante célibataire restée auprès de sa mère, frustrée, brutale et aimante, jalouse de ceux qui sont partis.
À vif
Il y a l’été, la maison rurale, les rideaux qui filtrent la lumière violente, la télé allumée en permanence, les bougies qui aident les défunts à trouver leur chemin. Côté jour, la rivière, les jeux d’eau, la pêche à l’explosif, une vieille effrayante à la voix rauque, qui éventre les poissons au fond de sa cuisine-antre. Côté nuit, les lits partagés, la fête votive, les rêves, et le Saint Georges lumineux qui projette son ombre de tueur de dragon. La grand-mère meurt brutalement d’un AVC – pour le docteur –, d’un envoûtement pour Salomé. Tandis que ses enfants se disputent trivialement autour de son corps enveloppé de dentelles et que les ressentiments de chacun remontent à la surface, la fillette déchirée, la venge s’exposant à la colère villageoise.
Entièrement vu à hauteur des yeux de la silencieuse Salomé, le tragi-comique du monde se révèle. La matière et l’esprit, la chair abîmée des vieux corps et le visage enfantin de l’héroïne, la vie et la mort sans tabou, le silence et les cris, jusqu’à des funérailles sur fond d’incendie, qui tournent au grand guignol. La réalisatrice franco-portugaise a tourné dans son village d’origine et mis beaucoup de ses propres souvenirs dans ce conte initiatique. Elle signe ici un beau film sur les racines, la filiation, la transmission : Alma Viva, qu’on y croit ou pas, l’âme reste vivante ou à vif. Sans jamais juger, Cristèle Alves Meira nous offre comme elle l’a déclaré « un film de terrain » qui rappelle comme le fait Avó, que si les Vivants ferment les yeux des Morts, les Morts eux, ouvrent ceux des Vivants.
ÉLISE PADOVANI
Alma Viva, de Cristèle Alves Meira
En salle depuis le 12 avril