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Alonzo King, la rivière des songes

Virevoltant, sensuel et traversé par des ombres : Deep River d’Alonzo King et du LINES Ballet était présenté par Montpellier Danse sur la scène de l’Opéra Berlioz

Il existe des chorégraphes qui nous deviennent rapidement familiers, dont on reconnaît la signature à peine le rideau levé, dont chaque geste nous rappelle un autre geste vu ailleurs, dans un autre spectacle, interprété pour un autre danseur. Et pourtant encore tellement vivant dans notre souvenir. Alonzo King fait partie de ces magiciens de l’art dansé, en un instant il nous emporte ailleurs, dans un lieu qu’il a créé de toutes pièces, une sorte de songe dans lequel le spectateur prend un plaisir presque coupable à se plonger avec indolence. Comme toujours, les corps des danseuses et des danseurs sont longilignes, extrêmement musclés, d’une souplesse incroyable comme d’une beauté saisissante. Intense et d’une sensualité aérienne, le mouvement est virevoltant tout en étant toujours très ancré dans le sol, doté d’une dynamique aussi entêtée qu’entêtante. Tout en rondeur, ce mouvement est tourbillon, qu’il tourne sur lui-même ou se déploie comme une vague. Les bras sont omniprésents, les mains prêtes à l’envol tandis que chaque saut est aussi léger qu’un soupir. Pendant ce temps, les jambes s’étirent à l’infini, enchaînent équilibres, fouettés et pirouettes sans jamais faiblir. Précises, les pointes symbolisent un classicisme d’une pureté virtuose, sans jamais s’imposer, au contraire. Avec Alonzo King, grand admirateur de Balanchine, tout est esthétique. Cela en serait presque lassant. 

Zones d’ombre

Pourtant quelque chose semble changé, la lumière d’Alonzo King à laquelle nous nous étions habitués n’est pas la même, des zones d’ombre sont là. On note une rigidité inattendue, des barrières invisibles entre les danseurs, un inconfort dans certaines attitudes. Mais aussi une main sur la bouche, un corps qui se tord ou s’abandonne, une fièvre enivrante, un rire terrifiant… L’harmonie est sans cesse interrompue entre solos, duos, trios et mouvements d’ensemble. Ce manque de transitions n’est rien d’autre que la face visible du Covid-19. Car ce ballet est né des deux premières années de pandémie pendant lesquelles les artistes de LINES Ballet ont souvent travaillé en solitaire dans des bulles de création improvisées. Traversé par de magnifiques chants spirituels de tradition juive comme africaine, Deep River se veut ainsi un appel à naviguer sur une rivière d’espoir même dans les moments les plus sombres. Agiles, expressifs, sensibles, le dernier solo comme l’incroyable pas de deux final rayonnent. Inoubliables. 

ALICE ROLLAND

Deep River d’Alonzo King et du LINES Ballet était présenté les 13 et 14 décembre par Montpellier Danse au Corum
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