La superposition des deux voix est d’une justesse si bouleversante que le duo parlé formé par David Geselson et Alma Palacios en devient musical, lyrique. C’est pourtant un épisode grave de la vie du couple qui est décrit dans ce vibrant unisson amoureux. Elle, prise d’un étouffement aussi soudain qu’inquiétant ; lui, tentant de maîtriser l’inévitable panique, de foncer à tombeau ouvert aux urgences les plus proches. Treize ans après sa création, Tiago Rodrigues remet en scène Chœur des amants, sa première pièce. Chant d’amour polyphonique sur le temps qui défile, qui s’accumule. Celui qui unit avant de séparer, celui qui use parfois mais jamais ne lasse de l’être aimé.
Imperturbable harmonie
Alors qu’ils vivent peut-être leurs derniers instants communs, chaque membre du couple livre le récit de cette vie intensément construite et partagée, jusqu’à ces gestes du quotidien que l’on croit inutiles mais qui, lorsque l’éventualité de la mort pointe, constituent autant de petites pièces essentielles au puzzle de de la vie et de l’amour. Que les mots se chevauchent ou que certains s’émancipent, l’harmonie des amants est imperturbable, inaltérable, à l’image des sentiments qui les habitent. Ce qui leur reste de vie à deux leur laissera-t-il le temps de se retrouver dans le lit conjugal pour regarder la fin de Scarface, le chef d’œuvre de De Palma, interrompu par l’alerte respiratoire de la femme ? Voir un film et tant d’autres choses ensemble comme leur fille grandir et leurs parents mourir. Se voir vieillir, alors que l’un partira forcément avant l’autre dans une allégorique forêt. Au retour de l’hôpital, l’histoire peut reprendre à l’instant même où elle s’est suspendue, mêlant le réel et le rêvé, le présent et le passé. L’avenir, lui, étant tout tracé.
LUDOVIC TOMAS
Chœur des amants a été joué les 18 et 19 novembre au Théâtre Joliette, Marseille. Et précédemment (7 et 8 novembre) à La Garance, scène nationale de Cavaillon