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Anselme Boix-Vives, itinéraire d’un enfant utopiste

Pendant tout l’été, le musée d’Art Brut de Montpellier met en lumière la beauté primaire des toiles de cet autodidacte idéaliste et pacifiste

Pour comprendre le titre de l’exposition Les couleurs de la Paix, il faut se plonger dans l’histoire d’Anselme Boix-Vives (1899-1969), aujourd’hui considéré comme un artiste majeur de l’art brut du XXe siècle. Et pourtant, rien ne prédestine à une carrière artistique le petit garçon né en Espagne, qui garde les troupeaux au lieu d’aller à l’école et d’apprendre à écrire. Vient l’exil, la France, la Savoie plus précisément, où il devient marchand de primeurs. C’est sur cette terre d’accueil qu’il développe son commerce, se marie, fonde sa famille. Une vie faite de hauts et de bas du quotidien d’un commerçant raisonnablement prospère, porté par une utopie pacifique incroyable : en 1926, cet analphabète idéaliste décide de rédiger un ambitieux plan destiné à faire régner la paix dans le monde, resté sans réponse. Anselme Boix-Vives en fera pourtant plusieurs versions, dont la dernière est rédigée en 1961 avec l’aide d’un de ses fils, Michel, s’intitulant ambitieusement « Plan financier d’organisation mondiale – La paix par le travail ». Ses espoirs inassouvis ne l’empêchent pas d’être un homme enthousiaste à la forte personnalité, il lui arrive même de chantonner la paix aux clients qui passent. Arrive la retraite en 1962, sa femme est décédée, ses enfants sont grands. Encouragé par Michel, qui a embrassé la cause artistique depuis un moment, il donne enfin libre cours à une créativité picturale inattendue. Il peut enfin dessiner ce qu’il ne sait pas écrire. Dans un tourbillon de formes et de couleurs, le jeune retraité créé plus de 2.400 tableaux et dessins en à peine sept années. Le tout depuis sa cuisine, télévision et radio allumés pour rester connecté au monde, souvent sur des cartons récupérés à droite et à gauche en utilisant des invendus de peinture Ripolin. Du jamais-vu. 

Désir de paix

Anselme BOIX-VIVES « La Femme » Gouache sur papier 65 x 49,9 (1963), Uppsala konstmuseum 2019 © Uppsala Konstmuseum/pär fredin

De son vivant, les œuvres d’Anselme Boix-Vives trouvent rapidement un public, même André Breton s’intéresse à son travail comme à ses idéaux. Mais c’est après sa mort que des hommages artistiques conséquents lui sont rendus, dont une grande exposition au musée d’Uppsala en Suède en 2019. Sous le commissariat de Christian Noorbergen, cette exposition au musée d’Art Brut de Montpellier emprunte à la riche production du peintre en y ajoutant des pépites inédites, soit une trentaine de pièces appartenant à deux de ses petits-enfants, Julia et Philippe Boix-Vives. On y découvre un monde imaginaire aux inspirations lunaires qui ne cherche pas à copier le réel, mais puise dans des sources beaucoup plus profondes, autrement plus primitives. De celles qui traversent les âges sans difficulté. Une œuvre rayonnante, baignée d’une candeur touchante. « Il peignait comme un enfant », glissent avec affection ses petits-enfants tout en reconnaissant ne jamais avoir été effrayés par les formes parfois incongrues de ses figures. Difficile de ne pas savourer les titres des tableaux : Tigre lunaire, Le Dahu, Cirque lunaire… ou encore Arbre solaire et son gardien, une toile lumineuse dans laquelle un personnage  aux grands yeux cernés garde solennellement un arbre sacré qui emplit le cadre de sa végétation colorée. On pourrait y voir l’autoportrait d’un homme qui s’est donné pour mission de protéger l’humanité. À défaut de le faire à travers un projet politique cohérent, il transmet son désir de paix dans des peintures et dessins traversés par la poésie du geste premier, l’enthousiasme de celui qui découvre l’extase de la création sans aucune arrière-pensée. Anselme Boix-Vives nous adresse le plus beau des messages pacifiques : le don de soi désintéressé, puisqu’il ne pouvait s’empêcher de donner ses œuvres. Sa petite-fille Julia avoue de bon cœur que son aïeul ne pouvait pas s’empêcher de donner ses œuvres. 

ALICE ROLLAND

Les couleurs de la Paix
Jusqu’au 30 août 
Musée d’Art Brut, Montpellier
musee-artbrut-montpellier.com
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