mercredi 2 octobre 2024
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Au Théâtre Joliette, la révolution harmonieuse

Directrice du Théâtre Joliette depuis un an, Nathalie Huerta partage les enjeux de sa programmation 2023-24, la première saison de sa conception

Zébuline. Pouvez-vous nous parler de votre expérience après un an au Théâtre Joliette. Quelles différences avez-vous ressenti eu égard à vos expériences précédentes ?

Nathalie Huerta. C’est avant tout une année de découverte, de prise de connaissances avec la ville. Je viens d’une structure ou je suis restée près de vingt ans [le Théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine, ndlr], j’avais l’impression de tout connaitre par cœur, ici tout est à apprendre. J’avais quelques appréhensions mais j’ai été très bien accueillie, et les relations se sont nouées simplement avec les divers interlocuteurs. L’écosystème artistique est important à Marseille et dans la Région Sud.

Quelle place doit donner le Théâtre Joliette à cet écosystème ?
Être ancré dans son territoire, c’est une nécessité : le Théâtre Joliette a perpétué une longue relation avec les artistes locaux. À laquelle nous ne dérogerons pas : la saison s’ouvrira le 16 septembre avec un grand bal festif  préparé par un chorégraphe marseillais, Christian Ubl. Mais ce ne doit pas être un critère en soi, l’axe du projet doit prévaloir. Il y a une grande diversité dans la programmation, que ce soit en termes de formes, d’origines. J’ai tâché de programmer des productions « jamais vues », qui apporteront de la nouveauté dans le paysage marseillais tout en restant accessibles, de créer des rencontres entre les disciplines tout en gardant une identité au niveau des auteurs. 

« Nous avons un rôle sociétal et politique à jouer »

Quelle part prennent les co-programmations cette année ?
Tout d’abord, nous accueillons de nombreux festivals : actoral, Parallèle, le Festival de Marseille, Rencontres à l’Echelle, la Biennale des Écritures du Réel, Klap… Nous portons ensemble les projets. Par exemple en octobre, la création marionnettique Les Vagues d’Elise Vigneron d’après Virginia Woolf est en coopération avec le Théâtre du Gymnase. Dans le cadre du compagnonnage artistique d’Elise Vigneron, deux autres spectacles seront réalisés avec elle cette saison, Glace et le spectacle participatif Lands sur la place en avril. 

La plupart de vos compagnons sont d’ailleurs des compagnonnes, de même que la majorité des artistes programmés cette saison sont des artistes femmes …
En effet, nous suivons en compagnonnage cinq artistes sur une durée de trois ans, quatre femmes et un homme. Nous ne l’avons pas fait exprès, mais c’est finalement si rare que nous en sommes un peu fiers. 

Vous nous avez parlé d’ancrage local, mais vous accordez également une grande importance à la composante internationale.
Le Théâtre Joliette a un fort axe orienté vers le « Sud global ». Nous recevons en novembre trois artistes originaires de Palestine, nous allons aussi programmer des spectacles brésiliens, marocains, mexicains, belges, québécois, suisses… Nous sommes par ailleurs en train de construire avec les Rencontres à l’Echelle un focus autour des artistes subsahariennes en juin. Nous aimons mettre en avant les ancrages multiculturels, comme avec Tamara Al Saadi, artiste française d’origine irakienne, ou l’artiste franco-syrien Fida Mohissen

Que signifie pour vous être une scène dédiée à la création et l’écriture contemporaine ?
C’est être en phase avec le monde, la réalité. Les artistes appréhendent le monde en ouvrant des horizons, et nous avons un rôle sociétal et politique à jouer. Mais en ces temps de crise sociétale et environnementale, le théâtre se doit aussi d’être une bulle de réunion, de joie, d’émotion. Il faut donc trouver un équilibre entre ces deux vocations. Dans ce quartier de la Joliette, qui est avant tout un quartier de travail, le théâtre est par ailleurs un lieu de vie à part entière, qui peut apporter de la fréquentation, et une vraie dynamique avec d’autres lieux culturels.

« Près d’un tiers de notre public sont des jeunes, et pas que des scolaires, la plupart viennent de leur plein gré »

Quelle place sera accordée à la danse cette saison ?
Je suis très attachée à la danse et aux arts du mouvement, mais notre lieu a davantage une identité théâtrale. Notre volonté est donc de nous ouvrir via nos partenariats avec des institutions reconnues telles que Klap, par exemple avec Ayta de Youness Aboulakoul et la dernière création du collectif de danseurs acrobates NAIF Productions. Nous accueillons également Bouziane Bouteldja, un chorégraphe de danse hip-hop, qui a été programmé avec la Biennale des Ecritures du Réel. Il mêle un travail d’action culturelle mêlée à un travail chorégraphique très intéressant. Enfin Dalila Belaza sera programmée dans Figures, dans le cadre du festival Parallèle. Elle mène un travail profond sur la danse traditionnelle.  

Avez-vous eu des retours sur les types de publics fréquentant le théâtre ?
Un gros travail est effectué avec la jeunesse ici. Près d’un tiers de notre public sont des jeunes, et pas que des scolaires, la plupart viennent de leur plein gré [rires]. La diversité culturelle se retrouve dans ce jeune public. Nous souhaitons également travailler sur le champ social, pour que la diversité sociale de la population de la ville se reflète dans le public, comme j’avais pu le faire en banlieue parisienne par exemple ; les communautés étrangères de Marseille se doivent aussi d’être représentées. C’est une démarche difficile mais profonde et précieuse. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

Théâtre Joliette
Marseille
04 91 90 74 28
theatrejoliette.fr
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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