mercredi 2 octobre 2024
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Bal trash à Anduze : un mort… de rire (le public)

Précédé d’une flopée d’humoristes, le décapant Aymeric Lompret a joué son spectacle « Tant pis » pour la dernière fois. Déjanté

« C’est fini. On ne sert plus à boire pendant les spectacles. » Lol. Difficile de prendre au sérieux un tel oukase quand il vient d’un serveur qui se nomme Pierre-Emmanuel Barré. A la buvette du festival Lol & Lalala à Anduze, le bénévole est aussi le co-organisateur, avec sa compagne GiedRé, de cet événement atypique mêlant humour et musique. Niché dans le parc des Cordeliers, à la porte des Cévennes, Lol & Lalala accueille ce soir-là pléthore d’humoristes, chroniqueurs, stand-uppeurs pour un plateau inédit qui s’annonce tordant. Cinq « comiques » d’aujourd’hui en roue libre pendant dix minutes et successivement. Pour ouvrir le bal, Bun Hay Mean. Pour celles et ceux qui auraient décroché de la planète humour après Djamel Debbouze, l’auto-proclamé « Chinois marrant » en est devenu une tête de pont en une quinzaine d’années. Jouant avec les clichés racistes liés aux Asiatiques – il est d’origine sino-cambodgienne – et de manière plus large, sur le terrain des discriminations et des inégalités sociales, il débite les vannes à la chaîne, avec un vrai talent pour l’effet de surprise. Mais le pompon de l’autodérision est décroché par Matthieu Nina. Comédien en situation de handicap cumulant difficultés de locomotion et d’élocution, il libère les rires sur un sujet et des situations que son vécu comme son recul l’autorise à brocarder, sans se faire traiter de validiste… Si la performance suivante, celle de l’humoriste beatboxer Kosh, impressionne par les prouesses techniques de son instrument vocal, l’écriture est malheureusement bien en-deçà de celle ses camarades de jeu. Elle aussi doit beaucoup à sa voix. Seule femme de la soirée, Doully a le timbre de celle qui ne verrait jamais le jour. Un organe dont elle fait le socle de ses punchlines grinçantes. « Le côté pratique, c’est que j’ai évité une bonne dizaine de viols. » Re-lol. Pour conclure ce speed dating de monologues rigolos, un vieux de la vieille, lui aussi chroniqueur à France Inter : Thomas VDB. Salopette en jean à la Coluche, l’ancien journaliste spécialiste en rock sait toujours être percutant quand il s’agit de railler les contradictions de ses contemporains. À commencer par les siennes comme ce jour où il a pris l’avion pour la bonne cause après s’être engagé publiquement pour des raisons écologiques à ne plus jamais embarquer.
Le plus barré, c’est Lompret
La soirée va connaître un basculement dans l’absurde le plus forcené avec Aymeric Lompret. Pour la dernière date de son spectacle Tant pis, l’imprévisible et incontrôlable lillois met la barre du trash très haut. Tout commence par une prétendue conférence sur le porc-épic. Une entrée en matière évidemment abrégée par les digressions louftingues du protagoniste coiffé d’un couvre-chef aux piques fluorescentes. Pendant plus d’une heure, Lompret envoie les siennes sans filtre, dézinguant au passage Macron, Bayrou… ou sa collègue Léa Salamé. Et de multiplier les personnages, d’interpeller des parents irresponsables (imaginaires ?) qui ont amené leur petite fille au spectacle. Jusqu’à dévoiler le papier toilette calé dans son fessier… L’humour est au-delà du noir. La bienséance inconnue au bataillon. Mais comment diable fait-il pour ne jamais se vautrer dans le vulgaire, l’irrespectueux, l’indécent, tout en assumant les blagues grossophobes, les allusions pédophiles et les sarcasmes sur les pauvres et les ouvriers ? Parce que l’écriture aussi décapante soit-elle s’inscrit avant tout dans une réflexion sociale et politique. En tirant sur tout ce qui bouge et en grossissant le trait, Aymeric Lompret utilise l’humour comme un exutoire empathique pour crier sa colère. Lui, l’enfant du Nord que la stigmatisation sociale rend mordant mais pas enragé. Pas de doute, le plus barré, c’est Lompret.

LUDOVIC TOMAS

Soirée du 5 août du festival Lol & Lalala qui s’est déroulé du 4 au 6, à Anduze et ses environs.

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