Les propositions culturelles que Zébuline vous annonce cette semaine plongent dans les mémoires, revisitent et colorent les répertoires de regards nouveaux, mettent en parallèle créations artistiques et patrimoines populaires, journalisme et musique de résistance, sports et culture du dépassement et du collectif, ouvrant de nouvelles voies dans une société… qui semble pourtant plus désorientée que jamais.
À quelques semaines d’élections européennes où une immense vague d’extrême droite s’annonce, alors que la Russie torpille aujourd’hui l’Ukraine de missiles nord-coréens et que le gouvernement israélien continue d’affamer et de massacrer les Gazaouis déplacés, la société française se fracture, comme au bord du gouffre. La côte de popularité d’Emmanuel Macron s’effondre au fil des jours et les Français semblent de moins en moins dupes des uniformes et abayas agités par le gouvernement pour faire diversion face à l’effondrement de l’école, des services publics et du pouvoir d’achat. Pourtant l’opinion publique ne se révolte pas contre les records absolus de reversement des dividendes, la concentration des médias et l’accroissement sidérant de la richesse des riches. L’insécurité globale du monde, loin de provoquer une révolte populaire, fait naître une vindicte xénophobe et l’affrontement des communautés, crispées sur des valeurs culturelles identitaires et excluantes.
À quels changements du monde faisons-nous face ?
Nos outils d’analyse manqueraient-ils de pertinence pour décrire l’évolution actuelle des mentalités et le glissement progressif vers l’extrême droite d’une grande partie du monde ? Les économistes, historiens et sociologues, peu enclins à penser la métamorphose, n’envisagent le changement qu’en termes de croissance ou d’extinction, de conservation ou de révolution. Pourtant notre imaginaire d’humain, nos mythologies, depuis Ovide jusqu’aux super-héros, petites sirènes ou mutants comme dans le récent Règne animal, est peuplé d’hybrides et de métamorphes qui évoluent, comme les insectes et les grenouilles, en changeant radicalement de forme pour atteindre leur état adulte ou juvénile.
Un changement de forme, d’usage et de milieu, est à l’œuvre dans le monde culturel : les Citadelles oppressives s’ouvrent à la fête et à la joie, les langues minoritaires s’affirment comme des cultures valides, les créations se conçoivent dans le croisement, le partage, le droit d’expression de tous.tes, le métissage des formes. La domination masculine recule, la transition de genre se danse, les atypismes se répandent et la sobriété se discute.
Sommes-nous en train, à l’abri de nos chrysalides, de préparer une nouvelle société dont les organes ne s’alimenteront plus de l’exploitation capitaliste et du mythe du progrès infini et de l’universel ? C’est ce que nos fictions laissent espérer, quand elles ne nous alertent pas sur la fin possible du monde.
AGNÈS FRESCHEL