Voilà désormais trente ans que le violoncelliste Cyrille Tricoire a rejoint l’orchestre de Montpellier pour y officier en tant que supersoliste. « Trente ans pile poil : j’ai auditionné en février 1993. » Activité qui l’a conduit à ce qu’il qualifie pudiquement de « mises en lumière », sur des programmes symphoniques et chambristes,dont il n’a guère envie de se vanter. Il y aurait pourtant de quoi, à en croire son parcours et sa discographie. Il n’est en effet pas donné à tout le monde de jouer en compagnie de Michel Portal, Fazil Say, Michel Dalberto… Ou de voir plusieurs de ses enregistrements salués par la critique, Choc Classica et autre Diapason d’Or à l’appui.
Un parcours rare
Cette réussite somme toute rare pour un titulaire d’orchestre, Cyrille Tricoire l’attribue avant tout à « la politique culturelle rare et précieuse développée à Montpellier. Dès mon arrivée à l’orchestre – et cela n’a jamais cessé – cette politique avait pour principe de mélanger les grands solistes internationaux avec les solistes de l’orchestre. »Une décision qui a particulièrement valorisé les musiciens de la structure. « Ce sont des opportunités inouïes, qui n’existent dans aucune autre institution : jouer La Truite de Schubert en compagnie de Maria João Pirès, ou son Quintette D 956 avec Janos Starker. C’est une chance incroyable, très rarement donnée à des musiciens d’orchestre. » Une chance qui lui aura également permis de se frotter à un répertoire qui lui est particulièrement cher, la musique contemporaine, et à des musiciens tels que Philippe Hersant, dont il aura entre autres enregistré le Concerto n°2 pour violoncelle et orchestre. « Toute autre institution aurait recouru à un soliste de renom pour une création de cette ampleur, à quelqu’un comme Yo-Yo-Ma. Mais pas Montpellier. »
Cyrille Tricoire ne se rêve pas pour autant en concertiste attitré. « Ce qui m’intéresse, c’est l’orchestre. Le répertoire d’orchestre pour violoncelle est tout simplement extraordinaire. En se concentrant sur le répertoire de soliste, on peut vite tourner en rond… » Cette culture de l’orchestre, c’est à son professeur Erwan Fauré – « aucun lien ! » – qu’il l’impute, et aux nombreux concerts de l’Orchestre d’Île-de-France auxquels il a assisté.
Une carte blanche aux petits oignons
Au Corum de Montpellier, le programme élaboré par le violoncelliste reflète ce goût du collectif et du contemporain. Pour le concocter, Tricoire a notamment sollicité la pianiste et cheffe de chant Anne Pagès-Boisset. On y entendra également deux jeunes recrues du chœur : la soprano Hwanyoo Lee et la mezzo-soprano Dominika Gajdzis sur des pages sublimes de Manuel de Falla, Massenet, Villa-Lobos, Mozart, Offenbach… Mais aussi une mélodie coréenne de Wonju Lee et une création du compositeur et contrebassiste montpelliérain Jean-Marc Fouché, écrite pour Cyrille et sa fille Juliette Tricoire, tromboniste co-soliste de l’orchestre depuis peu. En conclusion du concert, un triptyque réunissant Bernstein et les percussionnistes Philippe Limoge et Patrice Héral, qui « valent à eux seuls qu’on se déplace pour le concert. Rien que pour eux, il faut venir !
SUZANNE CANESSA
La Carte blanche à Cyrille Tricoire s'est déroulé le 4 mars
à l'Opéra Berlioz – Le Corum, Montpellier
opera-orchestre-montpellier.fr