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Des écrans et des larmes

Alliant les moyens du cinéma et du théâtre, Cyril Teste a livré une lecture innovante et éclatante de La Mouette de Tchekhov

Au début, deux écrans, de part et d’autre de la scène. Vidéos d’un lac sombre, cerné de sapins. Ce paysage, à la mouvance ténue (on pense aux œuvres de Bill Viola), envahit souvent le fond de scène. À la fin, ne restera que lui, quand la mort sera passée, quand les humains s’en seront allés… Après deux heures chrono d’allées et venues, d’affrontements, de revirements. Entre regrets et espoirs. Entre rêves de gloire et désillusions. Les vicissitudes de la vie, comme Tchekhovsavait si bien les capter. 

Une Mouette conceptuelle 
Cyril Teste et son collectif MxM livrent aujourd’hui leur lecture inédite, et brillante, de la tragédie phare du dramaturge russe, La Mouette. Virtuosité dutexte d’abord. Servi par la traduction enlevée d’Olivier Cadiot, il emprunte à la pièce mythique bien sûr, mais s’appuie également sur des extraits de nouvelles, de lettres. Un terreau intime pour la plus intime des œuvres de Tchekhov. Des fragments, comme autant d’éclats d’une vie vouée à l’art et aux amours empêchées, que la forme, virtuose elle aussi, sublime. Depuis 2011, Cyril Teste et son collectif  peaufinent le concept de « performance filmique », qui conjugue les moyens du cinéma avec les conditions de la représentation théâtrale. Les caméras traquent les comédiens, sur le plateau, en coulisses, partout, tout le temps. Elles scrutent les visages et les gestes, qu’une paroi d’écrans renvoie. Juxtapositions, gros plans, noir et blanc somptueux, montage au millimètre sous des dehors d’improvisation. Le film enrichit l’espace scénique, raconte le hors-champ, montre l’envers du miroir. Il exige des comédiens à la fois maîtrise et abandon. Tous jouent ce jeu ardu avec conviction. Olivia Corsini est splendide en diva égoïste, en mère décevante, en amoureuse déçue. Ses larmes inondent l’écran, comme celles de Macha (opiniâtre Katia Ferreira), de Nina (émouvante Liza Lapert) ; comme nous transpercent le désespoir de Konstantin (Mathias Labelle), l’autodérision factice des anciens. Un travail remarquable, de direction d’acteurs, de réalisation. Et une plongée personnelle et sensible dans l’univers tchekhovien.

FRED ROBERT

Vu les 24 et 25 novembre au théâtre des Salins, scène nationale de Martigues.

La Mouette
8 et 9 février
Le Liberté, scène nationale de Toulon
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