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Dire le passé pour éclairer le présent

En même temps que paraissait Ce pays qu’on appelle vivre, l’autrice Ariane Bois proposait une visite du camp des Milles. Un lieu qui l’a d’abord hantée, puis inspirée dans l’écriture de son dernier ouvrage

C’est en 2009 qu’Ariane Bois découvre le camp des Milles. Avant sa réhabilitation et sa transformation en mémorial – en 2012, après plusieurs décennies de lutte acharnée, car il a bien failli être démoli. Un endroit sombre, angoissant, où flottait encore la poussière rouge des tuiles qu’on y fabriquait ; une poussière qui s’insinue partout et prend à la gorge. Ce camp de transit, d’internement puis de déportation en 1943 – le plus grand encore intact de France – est longtemps resté méconnu, malgré les 10 000 étrangers, en majorité juifs, qui y ont été détenus. Il est aujourd’hui un lieu de mémoire exceptionnel. Un lieu de réflexion aussi, qui permet de mieux saisir l’engrenage de l’horreur, mais également de mettre en lumière tous les gestes de résistance possibles.

Créer pour résister
De ce lieu qui l’a longtemps hantée, l’écrivaine a voulu garder la mémoire en le mettant au cœur de son roman tout récemment paru (12 janvier), Ce pays qu’on appelle vivre. Car il est particulier : il a vu passer de nombreux artistes et intellectuels, Max Ernst entre autres. La vie culturelle, la création continuaient d’y bouillonner malgré les affreuses conditions matérielles. En témoigne la fameuse Salle des Peintures. Créer pour résister, c’est ce que faisaient les internés. Créer pour qu’on n’oublie pas, c’est ce que fait Ariane Bois. Et l’on mesure, en suivant la visite qu’elle ponctue d’extraits de son roman, combien elle a œuvré pour intriquer les fils de sa fiction avec la réalité historique. Des lectures – en particulier celle de Le diable en France de Lion Feuchtwanger (à nouveau disponible au Livre de Poche) – de multiples rencontres avec Alain Chouraqui, le directeur de la Fondation du camp des Milles, et Odile Boyer, son adjointe, lui ont fourni le fonds documentaire indispensable à l’écriture d’un émouvant roman d’amour et de résistance.

Ariane Bois © F.R

Les salauds et les justes
Jeune caricaturiste de presse juif allemand, Leonard Stein a vu sa vie basculer quand Hitler est arrivé au pouvoir. Après un bref internement à Dachau, il a réussi à s’enfuir en Espagne d’abord, puis à se réfugier à Sanary-sur-Mer. Mais en 1940, il est arrêté par les gendarmes français et envoyé aux Milles. Dès lors, il n’aura qu’un but : sortir du camp, quels qu’en soient les moyens. Durant une des permissions accordées afin d’effectuer les démarches administratives nécessaires à l’obtention d’un visa pour quitter la France, il fait la connaissance à Marseille de Margot Keller, volontaire d’un réseau de sauvetage, juive elle aussi. Coup de foudre réciproque. Les deux amants affronteront le terrible été 42, le durcissement des lois antisémites, la désespérance qui mine les plus vaillants, les déportations de 1943. Dans ce roman riche en péripéties, en vaines tentatives, en espoirs déçus, en pertes mais aussi en retrouvailles, on rencontre Max Ernst, Max Schlesinger, Varian Fry. Le personnage de Leo est inspiré de l’artiste Franz Meyer. Une histoire qui souvent croise la grande, avec ses salauds et ses justes. Bref, un livre qu’on ne lâche pas, entraîné par le tempo rapide de chapitres brefs, d’événements saisissants, de personnages, réels ou fictifs, attachants. Et un roman engagé, pour que jamais ne revienne « le diable en France ». Ni ailleurs. 

Une visite et une lecture vivement conseillées par les temps qui courent.

FRED ROBERT

Ce pays qu'on appelle vivre, d’Ariane Bois 
Plon, 20,90 €
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