Pourquoi avoir choisi le thème de la musique pour cette exposition ?
J’avais envie de profiter de cette carte blanche pour montrer autre chose que du dessin de presse. Les dessins de presse d’il y a dix ans, ça parle surtout aux gens qui ont vécu cette actualité-là, tu perds beaucoup de monde en route. Tandis que la musique est l’une de mes principales sources d’inspiration.
La musique vous a toujours inspiré ?
Il y a toujours eu de la musique chez moi, j’ai d’ailleurs commencé le piano à l’âge de 7 ou 8 ans… parce que mes parents m’y forçaient. C’est à l’adolescence que je me suis vraiment passionné. Dès le collège, j’ai créé un groupe de jazz groove avec des copains, ça s’appelait Le Flying Pélardon, on avait un bon petit succès local. En terminale je passais plus de temps à jouer de la musique qu’à réviser mon bac ! Le dessin faisait déjà partie de ma vie, mais c’est un truc que je faisais dans mon coin, je ne savais pas trop comment le faire évoluer, ça ne me sortait pas vraiment de mon quotidien.
Qu’écoutiez-vous à l’époque ?
J’ai toujours eu un spectre assez large, une vraie passion pour le jazz mais aussi pour Massilia Sound System, Dire Straits, The Beatles qui restent indépassables, The Doors qui ne prennent pas une ride… Très vite, il y a eu des vases communicants entre le dessin et la musique : j’étais très attiré par le graphisme des groupes de musique, comme la fameuse police des Doors, je redessinais des pochettes aussi.
Comment avez-vous conçu le parcours de cette exposition ?
Le début est plutôt chronologique. Cela parle de l’adolescence, de la découverte de la musique, il y a des pochettes de cours sur lesquelles je dessinais Pink Floyd, The Doors ou Dire Straits… Mais aussi des trucs que j’ai faits pour mon premier groupe. La deuxième partie porte sur Massilia Sound System, parce que c’était mon premier travail important en lien avec la musique. Le reste est plutôt thématique. Il y a des reportages pour le service culture du journal Le Monde, mais aussi tout un tas de trucs très peu connus comme des dessins pour une chronique dans Jazz Magazine ou pour le magazine en ligne Qobuz… Je montre également une BD originale de trente pages, une histoire en lien avec la musique dessinée il y a six ans. Je dessine tout le temps, pas que pour le boulot. Je me suis éclaté à replonger dans mes carnets de croquis !
Pourquoi avez-vous choisi de mettre également en avant d’autres artistes ?
J’aimais bien l’idée d’élargir le champ aux personnes qui m’ont inspiré ou avec lesquelles j’ai travaillé. Luz, Tignous et Cabu ont été pour moi des maîtres quand j’étais adolescent et que j’ai commencé à vraiment vouloir dessiner. Pour Fabcaro et Jérémy Soudant, j’ai collaboré avec eux. Avec Fabcaro, on a commencé ensemble à Montpellier au Cocazine, un fanzine musical, on a même joué de la musique. On avait un petit répertoire guitare-accordéon autour de ses chansons mais c’est resté confidentiel. Pour ce qui est de Catherine Meurisse, on a le même âge, on a commencé le dessin en même temps, et selon moi, côté dessin, c’est de loin la plus douée de notre génération.
Il y a même une bande-son d’exposition !
Dès le début, mon idée était de créer quelque chose avec les musiciens avec lesquels j’avais collaboré en tant que dessinateur. Puis de proposer à DJ Kayalik, DJ de Massilia Sound System et un copain depuis longtemps, de produire tout ça. Vu que je n’ai jamais arrêté de jouer de la musique depuis l’adolescence, je voulais y participer. Avec les copains avec lesquels je joue actuellement, Sofiane Ramdani et Cyrille Calone, on s’est fait une journée de studio, on a enregistré des bases musicales très libres qu’on a envoyées à DJ Kayalik qui en a fait de petites unités de 2 ou 3 minutes qu’on a envoyées aux invités, puis DJ Kayalik a tout remixé. On a neuf morceaux originaux avec Massilia Sound System, évidemment, Clément Edouard et Basile Mouton, deux des trois copains avec lesquels j’avais mon groupe au lycée et qui sont devenus musiciens professionnels. Également Renaud Garcia-Fons, l’un des meilleurs contrebassistes français de jazz aux vastes influences méditerranéennes, le pianiste montpelliérain Pierre Coulon Cerisier, Silvia Perez Cruz, une immense musicienne qui a composé la musique de mon film Josep, mon copain Jojo, qui était l’accordéoniste des Hurlements d’Léo, Frédo, du groupe Les Ogres de Barback, Magyd Cherfi… Et un petit featuring d’Ibrahim Maalouf.
Si vous deviez faire votre autoportrait musical… ?
Le premier titre de l’expo correspond bien : sur une base jazz, un peu groove, avec l’intervention de DJ Kayalik qui met bien le feu… Si on met toutes les voix de la bande-son de l’expo sur cette musique un peu étendue : voilà ma signature musicale !
Pourriez-vous décrire votre trait graphique ?
Un peu de ligne claire, du dessin de presse assez minimaliste style New Yorker et la liberté de trait à la Cabu et Tignous. Un mélange de tout ça. Mais ce que beaucoup de gens dans le métier mettent en avant dans mon trait, c’est le mouvement. Je pense que c’est quelque chose qui vient de la musique, avec l’influence d’un mec comme Luz quand il dessine des concerts.
Dessinez-vous souvent en musique ?
La musique m’inspire énormément, mais je ne dessine pas beaucoup en musique. Ça peut m’arriver, sur des projets très particuliers, mais mon travail pour la presse demande beaucoup de réflexion. Or la musique me perturbe parce que je l’écoute… plutôt fort !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ALICE ROLLAND
De la musique plein les yeux
Jusqu’au 29 juillet
Galerie de Pierresvives, Montpellier
pierresvives.herault.fr
Aurel, trait pour trait
On ne présente plus le dessinateur de presse montpelliérain Aurel, de son vrai nom Aurélien Froment. Né en 1980 quelque part en Ardèche, il a fait ses armes dans la presse montpelliéraine, notamment à La Marseillaise – L’Hérault du jour, avant de multiplier les collaborations prestigieuses : Le Monde, Politis, Le Canard enchaîné… Il est l’auteur de nombreux reportages