Elles ce sont la réalisatrice, Hafsia Herzi et son actrice, Nadia Melliti, dans un bureau du cinéma Les Variétés, au moment de l’avant-première du film qui a fait salle comble .Elles se confient sur leur travail, leurs émotions, leurs souvenirs de tournage. Au départ il y a le livre de Fatima Daas, qu’elles ont lu toutes les deux : Hafsia, parce qu’on lui a proposé de l’adapter, Nadia parce qu’Hafsia l’a choisie pour incarner Fatima, après un casting sauvage, sur photo ; un coup de cœur !
« C’est un personnage que je n’avais jamais vu au cinéma ; j’ai écrit la première version du scenario, très vite, en trois mois. J’ai laissé reposer ; n’étant pas spécialiste de l’écriture de scenario, j’aime avoir du recul. Je n’ai pas travaillé avec Fatima Daas car j’avais entendu parler de conflit entre auteur et réalisateur, d’auteurs qui étaient déçus. Et j’aime écrire seule. Le scenario est vraiment très différent du roman qui a une structure un peu particulière, pas un récit classique, un long monologue qui parcourt enfance, adolescence… J’ai gardé l’essence, le Personnage, la famille, ce qui m’intéressait le plus et que j’arrivais à visualiser cinématographiquement. C’est un peu plus doux, notamment, le père qui dans le livre est plus virulent. Je n’avais pas envie d’un tel père et dans le film, il est un peu plus absent. J’aime les personnages de mère et j’avais envie de montrer une mère qui a du caractère, une mère nourricière, qui comprend tout ; j’aime bien la manière dont Fatima Daas parle de la sienne J’avais aussi envie que la religion fasse partie du décor, de la famille mais cela pourrait être une famille juive, chrétienne, peu importe ! J’aime filmer le quotidien, les histoires d’amour. Et je me retrouve dans ce personnage.

Nadia Melliti, étudiante en STAPS (études pour devenir professeur d’EPS), surprise d’avoir obtenu le rôle, le premier, qui lui a valu le Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes, explique comment elle s’est préparée.
« C’est grâce à l’émancipation sportive que j’ai vécue toute petite ; j’ai compris très vite qu’on était dans un monde d’hommes et je ne voulais pas en faire partie. En tant que sportive, on a un mental dur, beaucoup d’exigences vis-à-vis de soi-même. Je ne voulais pas sentir une différence entre moi et les garçons. Je ne voulais pas décevoir Hafsia. Je devais être à la hauteur et sur le plateau j’avais toujours cette exigence »
Hafsia précise que les séquences de football, qui ne sont pas dans le roman, ont été ajoutées par rapport à l’expérience de Nadia. Pour se préparer au rôle, elle lui conseillé quelques lecture dont Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde que Nadia a adoré.
« Cette histoire rejoignait quelque part ce que traversait Fatima ; elle se confronte à elle-même par rapport à ses erreurs. Il y avait un parallèle avec ce peintre qui se rendait compte de ses erreurs. Cà m’a permis de me mettre dans la peau du personnage, intense, complexe avec ses contradictions, qui seraient pour beaucoup inconciliables. Cette lecture m’a permis une plus grande ouverture d’esprit Quant au livre de Fatima Daas, j’ai adoré l’histoire, cette lutte intérieure. Les femmes, au cours de l’Histoire, ont toujours été en quête de liberté. En 68, que je n’ai pas connu ! (rires), on parlait d’interdiction d’interdire, du droit au plaisir, d’émancipation des femmes. En tant que femmes, on a toujours mené des combats. »
Hafsia Herzi parle de son travail de documentation pendant l’écriture du scenario, des fêtes auxquelles elle a assisté, des rencontres qu’elle a faites comme ce médecin de Marseille, spécialiste de l’asthme, -d’ailleurs présent dans la salle ce soir- là. Elle évoque le tournage des scènes d’intimité, des scènes tournées avec pudeur.
« Je n’avais pas envie de filmer des scènes de sexe simulées. On a beaucoup parlé. Ca s’est fait simplement. On a pris le temps et j’ai fait attention au casting, que ce soit des gens bienveillants. J’avais envie de pudeur, j’ai fait attention au décor, à, la manière de filmer. Je préfère filmer u vrai baiser qu’une scène de sexe. Comment filmer le désir : on met en place des lumières, on prête une grande attention aux regards. … »
Ce film qui sort en France le 22 octobre ne sera montré ni dans les pays du Maghreb, ni en Russie, ni en Chine, à cause de ses thématiques, sexualité, désir, homosexualité. On aura la chance de le voir !
Annie Gava
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