mardi 2 juillet 2024
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AccueilSociétéÉditoÉloge de la délicatesse

Éloge de la délicatesse

Quand les blés sont sous la grêle

Fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles

Au cœur du commun combat

La Rose et le réséda d’Aragon, écrit en 1942 au temps de l’organisation de la Résistance, résonne, écho puissant pour un Nouveau Front Populaire à la naissance hâtée et enthousiaste. La menace imminente d’un régime d’extrême droite qui serait, pour la première fois dans l’histoire de France, élu au suffrage universel, a fait taire les folles querelles. Ou les a assourdies suffisamment pour que les partis de gauche avancent, enfin unis, enfin décidés à entendre les souffrances du peuple et à y proposer remèdes.

Faut-il pourtant, en mettant fin aux querelles, renoncer à la délicatesse d’esprit, en souvenir d’un temps où communistes et gaullistes prenaient ensemble les armes contre l’occupant nazi ? S’aveugler sur ce que la hâte occulte ? À savoir, ici et là, des investitures au forceps de candidats parachutés, souvent des hommes, préférés à des candidats, parfois des femmes, de terrain ? 

La demande populaire est là, il faut rengainer les querelles. Dont acte, enthousiaste. Mais faut-il pour autant se satisfaire de l’absence de discours sur la culture, placée dans le programme du Nouveau Front Populaire après la protection de la vie animale, alors que tous les syndicats, toutes les organisations professionnelles, (presque) tous les festivals, toutes les compagnies et les artistes appellent à se mobiliser contre les partis d’extrême droite ? 

Beau qui fait le délicat 

La place de la culture dans les politiques de gauche est un sujet délicat. De cette belle délicatesse qui donne chaque jour le goût et la joie de vivre, le sens et la pertinence des luttes. Les gauches, pour redevenir ce qu’elles sont, c’est-à-dire des forces de progrès social et d’égalité, doivent, tout en faisant front commun, ne pas foncer tête baissée, et faire les délicats sur la question culturelle face à l’extrême droite identitariste.  

D’abord parce que partout, toujours, les intellectuels et les artistes sont, avec les LGBTQI et les racisé·e·s, les premières victimes des régimes fascistes, et que la gauche leur doit protection. Ensuite parce que partout, presque toujours, les intellectuels et les artistes se sont tenus aux côtés des opprimé·e·s et du peuple, des esclavagé·e·s, féodalisé·e·s, exploité·e·s, colonisé·e·s, discriminé·e·s, montrant bien souvent la voie aux politiques. Enfin parce qu’aujourd’hui plus que jamais les problématiques abordées sur nos scènes reflètent et révèlent les grands changements de civilisation que nous vivons, et qui remettent en cause la domination culturelle patriarcale, indissociable du capitalisme. 

Aux bords du commun combat

La libre circulation des personnes et des idées, les questions sur le genre, le refus des violences et dominations masculines, des exploitations de classe, l’affirmation de cultures plurielles et populaires, la volonté de décoloniser les arts sont aujourd’hui au cœur de (presque) toutes les programmations culturelles. 

Ne pas entendre ce bouleversement des arts et des lettres, ne pas écouter les messages venus des marges, des écrans et du large, serait ignorer ce que la civilisation doit à la délicatesse : sa raison d’être, et l’éther subtil de ses combats. 

AGNÈS FRESCHEL

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