mercredi 2 octobre 2024
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Envoûtements musicaux

Vu au Festival d’Aix : une reprise réussie, un choc esthétique et un retour attendu !

Le Festival d’Aix a eu l’heureuse idée de reprendre le Pelléas et Mélisande de Claude Debussy dans une fascinante mise en scène de Katie Mitchell, une nouvelle distribution et une direction magistrale. On retrouve entier le charme envoûtant de ce spectacle qui fait errer une Mélisande démultipliée dans les décors vertigineux dessinés par Lizzie. Laurent Naouri est, comme dans la production de 2016, un immense Golaud, tandis que Chiara Skerath et Huw Montague Rendall forment un couple enthousiasmant d’incarnation vocale et dramatique. Vincent Le Texier (Arkel), Lucile Richardot (Geneviève) et surtout le magnifique et touchant Yniold d’Emma Fekete font de ce Pelléas 2024 l’occasion de belles découvertes. La cheffe Susanna Mälkki assume avec rigueur et lyrisme la direction de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. Et on reste fasciné par la dextérité de l’équipe technique qui transforme comme par magie un salon bourgeois en piscine désaffectée et fait surgir du néant un vertigineux escalier métallique. 

Les territoires de l’inquiétude 

En marge du genre traditionnel qu’est l’opéra le Festival d’Aix programme deux spectacles musicaux entre théâtre et art lyrique. Un diptyque intitulé Songs and fragments met en miroir Eight Songs for a mad king de Peter Maxwell Davies et Kafka-Fragmente de György Kurtág. Deux œuvres nées dans ce 20e siècle qui a exploré plus que d’autres ces territoires inquiétants, reflets des grandes catastrophes qui l’ont ensanglanté. Eight songs fait parler la folie du roi George III d’Angleterre. Kafka-Fragmente compile une quarantaine de miniatures dont certain de quelques secondes, extraites du journal de l’écrivain pragois. Le baryton allemand Johannes Martin Kränzle offre une performance vocale et scénique qui percute le spectateur à l’estomac. En slip blanc, maquillé entre deux genres mal définis, il est le corps et l’âme torturés du roi fou qui hurle, brandissant les dérisoires clefs du royaume. La partition violente et contrastée, patchwork musical, est emportée par la direction énergique de Pierre Bleuse à la tête de l’Ensemble Intercontemporain. Un choc au sens fort du terme ! Le duo voix violon des Kafka-Fragmente joue en ombre double deux autres prouesses musicales. La soprano Anna Prohaska sait souligner la profonde ironie d’un texte. Tour à tour clownesque et touchante elle est le parfait reflet du texte musical âpre et serré transcendé par la violoniste Patricia Kopatchinskaja. Pour lier l’ensemble, la mise en espace de Barrie Kosky joue le minimalisme pendant que les géniales lumières d’Urs Schönebaum font surgir une intense émotion. 

Un grand oui pour Kentridge 

Le vidéaste et plasticien sud-africain William Kentridge revient à Aix pour une création mondiale à LUMA Arles. The Great Yes, The Great No évoque la traversée en 1941 sur un cargo vers la Martinique d’artistes fuyant la France de Vichy. Sont ainsi convoquées, sur des compositions de Nhlanhla Mahlangu, le surréaliste André Breton, le couple Suzanne et Aimé Césaire et les grandes figures de l’anticolonialisme Frantz Fanon et Léon-Gontran Damas. Montage vidéo, cinématographie et lumières créent un univers visuel tournoyant. Le génie plastique et imaginatif de Kentridge est à son meilleur. Il convient d’ailleurs de visiter l’exposition Je n’attends plus en marge du spectacle (à voir jusqu’au 12 janvier 2025). Accompagnés aux percussions, piano, violoncelle, banjo et accordéon, danseurs et chanteurs, menés par le coryphée Hamilton Dhamini, scandent sur des rythmes de gospel l’histoire de la négritude et les combats de la décolonisation dans un spectacle total, d’une grande beauté vocale, esthétique et théâtrale. 

PATRICK DI MARIA

Pelléas et Mélisande
Les 12, 15 et 17 juillet 
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence

Songs and fragments 
Les 10,12 et 14 juillet
Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence

The Great Yes, The Great No
Jusqu’au 10 juillet
LUMA, Arles
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