jeudi 25 avril 2024
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Espace Julien : Grand Bonheur mis sur orbite

Le malheur des uns fait le grand bonheur des autres. Exit Teknicité, culture et développement, en place depuis une vingtaine d’années, c’est la coopérative Grand Bonheur qui devient le nouveau gestionnaire de l’Espace Julien au 1er juillet. Rencontre avec son directeur, Olivier Jacquet.

Zébuline. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de cette décision ?
Olivier Jacquet. Que les gens qui ont décidé de faire bouger les lignes au sein de la ville ont réussi à aller au bout de cette décision, qui est un choix de forte mutation. Il a fallu sans doute du temps et du courage pour cela et je les en remercie.

Pourquoi du courage ?
On n’efface pas d’un revers de la main une équipe qui a fondé l’établissement, qui l’anime depuis sa création, qui a un rayonnement politique non négligeable. De ce fait, imaginer donner sa chance à un projet alternatif, ce n’est pas rien.

Êtes vous en contact avec l’association Teknicité, culture et développement ?
On n’a pas établi de contact avec le conseil d’administration mais avec l’équipe salariée bien entendu. Pour des choses très opérationnelles déjà, car on organise le festival Avec le temps, dont plusieurs soirées se passent à l’Espace Julien. Et depuis qu’on a eu l’information, on échange sur le processus de clôture de leur mission et le lancement de la nôtre.

Pensez-vous que la transition va bien se passer ?
Oui, j’ai ce sentiment. Et si elle ne se passait pas bien, ce serait notre premier échec. Je vais tout faire pour que l’aspect collaboratif de notre candidature s’incarne y compris avec la structure qui était en place, et le partenaire du projet qui n’a pas été retenu [Le Molotov, ndlr]. Il faut qu’on aille au bout de notre démarche, qui ne s’arrête pas à ceux qui ont décidé de se rassembler, en regardant ce qui a été fait avant, et en se tournant vers l’avenir le plus enthousiasmant possible.

Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de votre projet ? 
Il y a plusieurs étages. Un premier en compagnie du Makeda, de la Mesón, d’Internexterne et du Théâtre de l’Œuvre avec lesquels on va monter une nouvelle structure, qui va se transformer en SCIC ensuite. Ce n’est pas une fusion des structures mais une mutualisation. Chacun gardera sa programmation. 

Il faut qu’on collabore avec tout le tissu associatif, commerçant, tout ce qui fait quartier et vie dans le centre-ville


Le deuxième étage, c’est la mobilisation de l’ensemble de la filière. Au moment de candidater, on a établi des contacts avec quarante structures culturelles et sociales. Assemblées en pôles, elles vont représenter un faisceau de partenariats et de collaborations qui va être très important dans l’identité du projet, et dans le temps d’occupation de la salle. Il y a neuf pôles en tout : culture urbaine, culture électronique, littérature, musique expérimentale, jazz… L’idée est d’avoir chaque année un ou plusieurs événements par pôle. 
Ensuite il y a l’aspect territoire. Il faut qu’on collabore avec tout le tissu associatif, commerçant, tout ce qui fait quartier et vie dans le centre-ville. On a déjà établi un certain nombre de contacts et de partenariats avec une logique de s’engager un maximum dans les grands enjeux sociétaux qui sont ceux de la deuxième ville de France : la diversité, la mixité, l’impact écologique, la responsabilité sociétale sous toutes ses dimensions. Ça va jusqu’à connecter les pratiques amateurs locales et en accueillir régulièrement dans nos murs, même en dehors de notre projet. Avec l’espoir un jour, sans faire de l’ombre à l’Ifac [centre social attenant à l’Espace Julien, ndlr], de revenir à cette idée d’une maison pour tous, mais autour des musiques actuelles.

Olivier Jacquet © X-DR

Un lieu vivant en journée également ?
Tout à fait. Mais on ne va pas trop fanfaronner, car il y a beaucoup de travail. On va essayer de trouver le juste équilibre, mais très clairement, l’objectif est d’accueillir aussi des temps pour les associations, groupes de parole… de la vie du centre-ville dans nos murs en dehors des concerts.

Avez-vous l’intention d’intensifier la programmation ?
Oui, très fortement. On va finir de négocier les conditions financières de ce mandat avant de se vanter, mais le projet c’est 178 ouvertures de rideaux.

Quelle couleur musicale souhaitez-vous donner à cette programmation ?
Les musiques actuelles ouvertes à toutes les formes pluridisciplinaires. La diversité et l’éducation artistique, plus que les esthétiques. La découverte, mais aussi les artistes à forte visibilité. Une collaboration accrue autour de trois pôles, du fait des acteurs d’excellences existants dans le territoire. Autour des cultures urbaines main dans la main avec l’Affranchi, des musiques électroniques avec le Cabaret aléatoire, Bi:Pole, Le Bon Air… Le jeune public avec le Théâtre Massalia, le Nomad’Café et Babel Minot

Y aura-t-il également une volonté d’accompagnement pour les musiciens ? 
C’est une évidence. Je suis directeur de coopérative qui a fait toute sa carrière autour de la production d’artistes ; c’est toujours ce qui fait battre mon cœur. On a tout un dispositif qui est prévu pour accompagner les musiciens : des résidences de création et des artistes en résidence à l’année. Nous avons aussi un dispositif d’accompagnement des personnes qui entourent ces musiciens émergents. Comme avec les associations qui organisent des soirées, et d’imaginer avec elles, si elles le veulent, un parcours de professionnalisation.

La mairie vous a accordé un Convention d’occupation temporaire et non une Délégation de service public. Cette distinction est-elle importante pour vous ?
C’est important évidemment. Ce n’est pas exactement la Rolls des relations public-privé. Mais on a des collectivités qui ne sont pas au top de leur santé financière, et qui traversent elles-mêmes des mutations importantes. Je ne peux que comprendre la prudence qui est la leur.

Vous avez cinq ans pour mettre en place votre projet, n’est-ce pas trop court ? 
C’est la durée d’un mandat présidentiel, et cinq ans c’est long si on travaille mal ! En même temps, quand on a envie de faire les choses collectivement ça peut être court. Car le collectif peut emmener à des prises de décisions un peu plus longues. Mais elles sont plus fortes, cohérentes et fiables.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Trois questions à… Jean-Marc Coppola 

Adjoint au maire en charge de la Culture, Jean-Marc Coppola présidait le jury réuni pour désigner la nouvelle gestion de l’Espace Julien. Il explique les raisons de ce choix

Zébuline. Pourquoi était-ce important de relancer un nouveau projet à l’Espace Julien ? 
Jean-Marc Coppola. Il y avait plusieurs motivations. La première, c’est l’ordonnance de 2017, qui oblige les collectivités locales, quand on est propriétaire d’un lieu, à lancer une mise à concurrence et donc un appel à projet et à candidature. Ça n’avait pas été fait dans le passé, j’ai voulu être conforme au règlement. 
La deuxième motivation c’est qu’à Marseille, il y a des salles de diffusion de musiques actuelles de différentes jauges, avec par exemple le Silo, l’Affranchi, Le Moulin, l’Espace Julien… Mais on n’arrive pas à créer un réseau qui fasse que les uns et les autres travaillent ensemble. Or l’idée c’est bien de créer un réseau de musiques actuelles, et pour cela, nous avons établi en transparence des critères pour sélectionner une association qui porterait le meilleur projet à nos yeux.

Qu’est-ce qui a séduit le jury dans le projet de Grand Bonheur ? 
Ce qui nous a plu, c’est vraiment cette présentation qui est portée par un collectif, avec plusieurs acteurs : la coopérative Grand Bonheur, le Théâtre de l’Œuvre, le Makeda, la Mesón. On sentait qu’il y avait déjà un réseau qui était construit. Et donc un dynamisme et un collectif qui nous permettra peut-être d’avoir un label du Centre national de la musique voire même de la Sacem. Ce serait une reconnaissance et un apport de partenaires financiers supplémentaires. Même s’il n’y a rien de fait, on crée les conditions pour qu’ils puissent venir. C’est notre souhait le plus cher. 

La décision devait être rendue en septembre, mais on ne l’a apprise qu’en janvier. Pourquoi ce retard ?  
Parce que nous sommes respectueux des acteurs et de ce qu’ils ont fait pendant plusieurs années. Benoît Payan a tenu à rencontrer Éric Di Meco, le président de Teknicité, culture et développement, mais le rendez-vous avait du mal à se faire. Il était bien occupé, notamment avec la Coupe du monde. Finalement, le rendez-vous a eu lieu début janvier. Nous voulions expliquer les motivations de ce choix et les faire comprendre. Et parfois, ça peut prendre du temps. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR N.S.

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