La musique, miroir des peuples rassemble les pays de la Terre entière, nous parle « de paix, de tolérance, de curiosité envers l’Autre », selon les propos de Frank Tenaille, directeur artistique du Chantier, ce laboratoire hors norme de création, consacré aux nouvelles musiques traditionnelles et musiques du monde en trois journées qui ont su par leur énergie positive éloigner la colère des éléments des lieux de représentation. Les thématiques de la rencontre et du voyage s’y retrouvaient magnifiées. En ouverture, le concert Serr, Sere, (de « serre », le secret en arabe et « sere », la sérénité de la clarté du matin en occitan) offrait un condensé de l’esprit de cette manifestation et de la structure qui l’organise : fruit d’un travail mené pendant deux ans, par des musiciens issus d’Occitanie et d’Égypte, réunis lors d’une résidence de création du 22 au 26 mai à Correns, le concert nous plongeait dans l’univers des poètes des XIIe et XIIIe siècles et du contemporain Amjad Etry, poète syrien exilé à Marseille.
Syrie, Perse et Écosse
Les poèmes passent d’une langue à l’autre, portés par les voix des chanteurs Clément Gauthier et Cheikh Zain Mahmoud, les timbres s’accordent aux textes, suivent Raimon de Miraval qui, regardant le soleil à travers les ailes déployées de l’alouette, comprend enfin la véritable nature de la lumière, partent en Syrie aux côtés d’un duc occitan qui ramène dans ses bagages les mots et la langue persane et les adapte à sa propre langue : « du trobar au tarab, du tarab au trobar ». La boucle se noue en un chatoyant manteau poétique, temps suspendu dont on retrouvera la qualité dans le sublime concert de clôture proposé par la famille Chemirani (Maryam, voix, Bijan, zarb, percussions, saz, Keyvan, zarb, percussions, santur) additionnée du celte Sylvain Barou (flûtes celtiques, bansouri, duduk, neyanban), Hâl, le voyage amoureux.
La musique persane trouve des accords fusionnels avec les traditions de l’Irlande, de l’Ecosse et de la Bretagne, provoque des duos virtuoses (on ne se lasse pas du « dialogue des arbres » entre les deux percussionnistes ni du duo entre la flûte et le sandur), la voix de conteuse, bouleversante de Maryam, glisse un brin d’espièglerie ici, une émotion à fleur de peau là, éblouissements… Comment tout évoquer, tant l’ensemble est riche, depuis l’évocation des grands compositeurs brésiliens par Cristiano Nascimento, Wim Welker et leurs guitares à sept cordes aux rébétikos de la Grèce des années 30 par l’ensemble Pnevmatiko ou la conversation des Egarés, (Ballaké Sissoko, Vincent Dégal, Vincent Pierani et Emilien Parisien) qui abolit toutes les frontières pour un univers puissamment onirique, ou encore les moments de danse, balèti par Castanha é Vinovèl, Leila Negrau et son art du maloya ou encore la rumba congolaise soyeuse de Jocelyn Balu et son bal poussière… Correns des enchantements…
MARYVONNE COLOMBANI
Les Printemps du monde se sont tenus du 26 au 28 mai, à Correns.