Les bulles pyrotechniques de SPARK, concoctées par l’artiste Daan Roosegaarde, se déplacent au gré du vent, esquissent des séquences imprévisibles et cependant géométriques s’organisent en mouvements d’ensemble. Il faut entrer dans le dispositif qui de loin semble anodin, se poster sous une échappée d’étincelles et tenter de suivre leurs évolutions qui se perdent dans la nuit. Peu à peu l’observation prend un tour hypnotique et l’on se laisse séduire par les variations de couleurs et les déplacements solitaires ou groupés de ces fragments infimes de lumière.
Danse et arts platisques
La danse trouvait son écrin au conservatoire Darius Milhaud, portée par l’enthousiasme de Josette Baïz et de ses jeunes danseurs en une conférence qui permettait d’aborder quelques-uns des plus grands chorégraphes actuels (cf article Zébuline). Les arts plastiques mis en évidence par la troisième Biennale des Imaginaires Numériques tissent leur parcours au sein de la ville. Ils passent par le musée des tapisseries et les cartographies célestes d’Amélie Bouvier qui s’inspire de la collection de plaques de verres photographiques de l’Archive Astronomique de Harvard (U.S.A.), s’arrêtent au Pavillon de Vendôme où Sophie Whettnall fait dialoguer les lieux et la lumière, invitant les étoiles à trouver leur place dans la pénombre des pièces et à la forêt de démultiplier les murs, revient à la Méjanes pour écouter les derniers sons des aurores boréales, enregistrés par l’artiste Sébastien Robert sur l’île d’Andøya en Norvège (The Lights Which Can Be Heard).
On descend au 3 bis f où Donatien Aubert nous convie à une expérience en réalité virtuelle au sein d’une installation immersive avec vidéo-projections et souligne dans sa Veille infinie combien être sans cesse connectés nous déconnecte du monde et de nous-mêmes, transformant notre approche des autres et de la réalité. Notre univers est grignoté par « l’hyperconnection » et notre cerveau s’en voit métamorphosé (son court métrage est un petit bijou qui devrait être diffusé à grande échelle tant ses analyses sont pertinentes et glaçantes !).
Au 21 cours Mirabeau, l’Espace culturel Départemental accueille quatre propositions aussi étonnantes et ingénieuses que poétiques. Stéphanie Roland dépose la photographie d’une étoile morte répertoriée par les institutions spatiales sur un papier spécial dans un bac d’eau, le papier se dilate à l’instar de l’Univers en expansion, forme des constellations puis se dissout totalement (ce bac d’eau que l’on pouvait voir dans le film d’Ann Sirot et Raphaël Balboni, Une vie démente, est remplacé à Aix par un dispositif visuel projeté au sur un écran).
Sont mises à notre portée encore, avec D’un soleil à l’autre de Stéphane Thidet, les fréquences produites par le soleil et captées par une antenne radio-télescopique que « reflètent » deux gongs qui semblent flotter dans l’obscurité et vibrent au rythme des ondes reçues. Reprenant le thème solaire, Ief Spincemaille imagine pour Nightfall un sablier empli d’eau mêlée à de l’encre de Chine posé sur un socle renfermant une lampe. L’eau descend doucement et masque peu à peu la lumière jusqu’à l’obscurité complète. Nous assistons à autant de couchers de soleil que nous voulons, réalisant le rêve du Petit Prince de Saint-Exupéry qui lui devait déplacer sa chaise sur sa minuscule planète pour profiter de la beauté triste de la fin du jour. Lucien Bitaux illustre son travail de thèse consacré à La perception de l’astronome par une installation constituée d’une foule de déflecteurs, lentilles, et outils de vision divers montés sur des supports mobiles qui renvoient, tamisent, modifient, orientent, diffractent les rayons lumineux qui traversent la pièce. L’onirisme et la poésie rejoignent ici le propos scientifique et c’est très beau !
La MéCA ou Maison internationale des écritures contemporaines d’Aix-en-Provence inaugurait sa première programmation comprenant concerts, rencontres, débats, performance, Les Promesses de l’Aube. Parmi les nombreux événements de cette manifestation nouvelle est à souligner le fantastique concert littéraire donné par le violoncelliste Gaspar Claus dans une expérimentation du son comme une langue neuve et la comédienne Marie-Sophie Ferdane qui offre une lecture par extraits remarquablement choisis du roman de Makenzy Orcel, Une somme humaine. La voix épouse le texte, s’y love, y respire, en livre le sens, le rythme, les pulsations intimes avec une fine précision et retisse pour un auditoire fasciné les méandres du destin brisé de la protagoniste et narratrice d’outre-tombe.
Profane ou pas
Au Grand Théâtre de Provence, la musique de décembre offrait de sublimes moments. Le RIAS Kammerchor de Berlin alliait ses voix aux instruments de l’Akademie für Alte Musik Berlin sous la direction de Justin Doyle pour Le Messie de Haendel. La puissance de l’œuvre, son caractère théâtral s’accorde au thème scindé en trois parties, Ancien et Nouveau Testament (Les Évangiles), puis Ancien Testament (lamentations du prophète Jérémie, les Psaumes) et Nouveau Testament (la Passion, la Résurrection et l’Ascension du Christ), enfin Nouveau Testament (réflexion que le rôle rédempteur du Christ). Les trompettes viennent annoncer les bonnes nouvelles, encadrant l’orchestre comme sur des enluminures. Les cinq solistes, Julia Doyle (soprano), Tim Mead (alto), Thomas Hobbs (ténor), Roderick Williams (basse) servirent l’œuvre avec expressivité et intelligence. Bien sûr, la deuxième partie est toujours sans doute la plus enthousiasmante, préfigurant les élans mozartiens par son rythme soutenu et certaines phrases que le compositeur de Salzbourg acheva autrement dans son Requiem (Mozart connaissait bien Le Messie, en 1777 il en réorchestra la partition en y ajoutant à la place de l’orgue hautbois, flûtes, cors et trombones). Trois heures de spectacle que l’on ne sent pas tant on est transportés.
Quelques jours plus tard, l’Orchestre Philarmonique de Radio France dirigé par Adrien Perruchon venu remplacer Mikko Franck souffrant accompagnait l’espiègle contralto Marie-Nicole Lemieux dans un programme alternant morceaux chantés et pièces orchestrales. D’emblée, la subtile musicienne conquiert le public, l’installe dans une familiarité conviviale, joue avec le chef qui en profite aussi pour lui donner la réplique en chantant lui-même. Par ses mimiques, ses attitudes la cantatrice rend vivants ses personnages, crée un décor à elle toute seule, nous embarque à la suite d’airs de Rossini, Gounod, Bizet, le délicat Marie Wiegenlied de Max Reger, mais entonne pour achever son récital une série de chants de Noël, c’est la saison. Le grand sapin illuminé entouré d’une ronde de petits conifères dans la cour du GTP doit être aux anges ! Peu importe que les chants soient profanes ou pas, le public reprend en chœur le refrain « Gloria in excelsis Deo » du chant Les anges dans nos campagnes. Tout s’achève avec Petit Papa Noël.
MARYVONNE COLOMBANI
Le Messie le 20 décembre
SPARK et le concert littéraire le 21 décembre
Marie-Nicole Lemieux le 22 décembre
La saison hiver d’Une 5e saison s’est tenue du 1er au 22 décembre à Aix-en-Provence.