vendredi 26 avril 2024
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La médecine, un exercice de théâtre 

Jean-Louis Martinelli présente son « Amour médecin » de Molière, dans une version courte, drôle et accessible

Certes, au sortir d’une pandémie assortie de multiples discours servis par les Diafoirus des ondes cathodiques, annoncer que l’on a choisi de mettre en scène L’amour médecin de Molière tient du pied de nez potache.

Première pièce mise en scène par la troupe de Molière en tant que troupe du Roy, cette comédie-ballet en trois actes est représentée d’abord au château de Versailles par ordre du roi. L’enjeu pour le dramaturge était énorme, il s’agissait de séduire, de conforter sa position auprès de Louis XIV et d’emporter l’adhésion d’une cour difficile. La musique de Lully, les ballets, servaient d’intermèdes à la comédie qui écorche avec délectation le désir de puissance. 

Que ce soit celui d’un père qui se refuse à céder quoi que ce soit de ses possessions dont fait partie sa propre fille (le statut de la femme était assez restreint à l’époque !), ou des médecins qui s’agrippent aux règles édictées par Hippocrate et s’obstinent à ne pas sauver les malades hors des lois souveraines de leur art ! (L’un des médecins est même affublé du patronyme de Des Fonandrès, c’est-à-dire le « tueur d’hommes » en grec). 

Feinte maladie
Jean-Louis Martinelli s’empare de la comédie-ballet, n’en retire pas le prologue qui rend grâces « au plus grand roi du monde », réunissant pour cela tous les acteurs de la pièce sur un air vif non de Lully mais de Sylvain Jacques à qui l’on doit les musiques et les créations sonores de cette nouvelle mouture. Le cadre est posé : un décor conçu a minima (une table longue et assez basse pour servir aussi de chaise par l’adjonction d’un ou deux coussins), des liaisons musicales très animées entre les trois actes et costumes dus à Christian Lacroix qui accorde un caractère intemporel aux personnages avec une inventive efficacité. 

Le vocabulaire est rendu accessible par quelques apartés destinés au public, la verve des comédiens transporte le reste avec un bel élan. Ce « brouillon » du Médecin malgré lui fait de Sganarelle (fabuleux Édouard Montoute) un riche bourgeois veuf qui n’a guère envie de marier sa fille unique, Lucinde (Élisa Kane), dont les variations graves de la voix sortent définitivement le personnage du mythe de la jeune première innocente. Mais voilà, la donzelle se languit, refuse de parler, fait tourner son géniteur en bourrique. Décidément, il ne veut par voir l’oiseau convoler : cela entraîne des frais, dot et légation post mortem de sa fortune au mari ! Chacun s’entête malgré les tentatives de médiation de Lisette (pétillante Martine Schambacher) la suivante de la jeune fille, qui ourdit un stratagème : Lucinde sera malade (hilarante scène de répétition de la feinte indisposition en une réjouissante mise en abîme théâtrale). 

Le rire vainqueur
Alors que le père a fait venir quatre médecins (espiègles Michel Melki, Bernard Nissile, Hammou Graia, Alexandre Soulie), « quatre conseils valent mieux qu’un » assure-t-il, qui consultent et disputent avec toute la prétention et le verbiage assorti de latin de cuisine sur la maladie de leur patiente, voici le prétendant, éternel Clitandre (convaincant Arthur Oudot) qui ne soigne pas avec saignées, lavements ni émétiques mais « par des paroles, par des sons, par des lettres, par des talismans et par des anneaux constellés »… 

Il n’est plus question à ce moment des entremises de Filerin (impeccable Denaive Yoann) qui rabibocha les médecins opposés entre saignée et émétique par une leçon politique de l’exercice de la médecine loin de toute préoccupation éthique mais bien décidée à exploiter la crédulité populaire à son profit. Le mariage semble devoir guérir Lucinde, Clitandre médecin se prête au jeu, feint d’épouser, le père signe, mais le notaire est bien réel… La farce est jouée. Les comédiens chantent, dansent. Le rire est le grand vainqueur, le théâtre aussi !

MARYVONNE COLOMBANI

L’Amour médecin a été donné le 12 janvier au Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence. 
À venir :
18, 19, 20 et 21 janvier
Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence
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