Le thème du concert, Voyage au pays d’Orphée, rappelle que le dieu Dionysos et le héros Orphée sont originaires de la Thrace. « C’est une région extrêmement divisée dont les limites ont varié au cours des siècles au gré des conquêtes », explique la chanteuse bulgare mais aussi comédienne, Diana Barzeva, lors de l’entretien mené par Frank Tenaille, directeur artistique du Chantier, en avant-goût de la représentation. Actuellement, la Bulgarie, la Grèce et la Turquie se partagent la région qu’ombragent les monts Rhodopes. Mais « la musique n’épouse pas les frontières actuelles », souligne Kalliroï Raouzeou, chanteuse grecque, pianiste, compositrice. Les quatre musiciens qui accompagnent les deux artistes ont eux aussi suivi un parcours éclectique, si Caroline Guibeau (accordéon, cet « instrument monde » et chant) vient du classique, le percussionniste, Nicola Marinoni a connu des débuts dans le rock, Christian Fromentin (violon, oud) a commencé par une maîtrise en musicologie avant de s’emparer d’une multitude d’instruments du monde, tandis que Jean-Marc Gibert (guitare électrique, bouzouki) s’est d’abord engagé dans des formations pop/jazz avant de se tourner vers les musiques traditionnelles. Chansons bulgares, grecques, de Thrace, de Constantinople, de Macédoine, finement présentées se succèdent, portées par les voix des chanteuses, chacune avec son timbre, son phrasé, son élégance. Les mélodies se tissent avec inventivité, les rythmes impairs glissent vers la danse, les mélismes font voyager les mots, les orchestrations déploient leurs lignes, conjuguent les univers, abordent tous les registres, content, jouent, réinventent les codes. Les musiques vagabondent, infiniment, et redessinent notre monde…
MARYVONNE COLOMBANI
Jarava s’est produit le 23 février au Chantier de Correns.