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Gangs of Taïwan : la fin d’une époque

Sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes, Gangs of Taïwan du réalisateur américano-taïwanais Keff est un polar politique et existentiel.

Pour ce premier long-métrage, Keff dit avoir voulu concocter un « film porc braisé ». Un film, qui, comme ce mets asiatique, offre une incroyable saveur à partir d’ingrédients simples – pourvu qu’ils soient cuisinés avec art. Et de fait, Gangs of Taïwan excelle au mélange, subtil et délicieux, même si une amertume tenace reste en bouche.

Zhong-Han (Liu Wei Chen) est un jeune taïwanais, adopté comme un fils par Rong, vieux restaurateur qui tient avec sa femme, une cantine populaire, dans sa famille depuis trois générations.  Zhong-han est muet comme le Samouraï de Melville, comme le cinéma des origines, ou métaphoriquement comme Taïwan, un pays qui ne peut parler en son nom propre. Le jour, il travaille au resto. La nuit, membre d’une bande de voyous aux ordres d’un parrain mafieux, il rackette, piège, intimide, brutalise sur commande. Son chef du groupe l’apprécie : “Tu n’as pas eu de chance à la distribution des cartes mais tu joues quand même, tu ne te dégonfles pas.” Solitaire, porteur d’une colère froide et d’une souffrance latente, Zhong-han observe, impassible, un monde qui le traverse, l’expose, le crucifie. Si son idylle avec la caissière d’une supérette du quartier adoucira un temps son mal de vivre, loi implacable du genre noir, la tragédie le rattrapera. Car à la fin ce sont les méchants qui gagnent. Et les vainqueurs qui imposent leur vérité. Tout au plus, les perdants leur opposeront quelque chose qui pourrait s’appeler panache ou dignité.

Rien de la chorégraphie nerveuse et virtuose des polars hongkongais mais le même sens esthétique et la même élégance.

Alternance jour-nuit

La lumière rouge et stroboscopique d’une boîte succède à celle un peu blafarde du jour, les néons des avenues de Tapei, au soleil d’une escapade amoureuse. En cut ou fondus, on passe d’une ambiance à l’autre. D’une pulsation à l’autre. Le visage de Zhong-han en clair-obscur semble parfois un Caravage.

Keff brosse ici le portrait de la jeunesse taïwanaise. Celle dorée des héritiers que les gangsters dépouillent, celle corvéable à merci, qui trime et ne peut pas faire d’études, celle qui verse dans la violence, se rêve en « Robins des bois » mais se fait manipuler par des politiciens associés à des hommes d’affaires et à des parrains. Celle qui manifeste dans les rues ou celle qui s’intéresse davantage à l’ouverture d’une pâtisserie branchée et à ses followers sur Insta qu’au destin de l’île. On est en juin 2019. De nuit comme de jour, les écrans télé retransmettent les images des émeutes de Hong-kong. C’est une phrase de Martin Luther King qui ouvre le film : « Les émeutes, c’est le cri des sans voix ». Les élections se préparent à Taïwan et divisent la population. La Chine menace. Et la fin imminente d’une époque s’immisce dans les esprits.

La caméra ne s’appesantit jamais et le scenario n’explique rien. Une rétention qui fait sens comme le mutisme désespéré de Zhong-Han.

ELISE PADOVANI

Gangs of Taïwan, Keff

En salles le 30 juillet

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