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Histoire lisse

Après le succès de La Carte postale, qui racontait l’histoire maternelle et explorait sa judéité, Anne Berest explore la lignée des pères, et le Finistère

La démarche d’écriture d’Anne Berest est constante, s’inscrivant dans une quête autour des branches de son arbre généalogique, écrivant des « romans » qui s’inquiètent du vrai, cherchent des bouts d’archives, de mémoire. Elle comble les manques avec des entretiensavec ses proches, pour retrouver des pistes qui reconstruisent le récit familial, mais qui éclairent aussi des pans de ce qu’elle est, de ce qu’elle doit, au présent, à ses parents, à ses aïeux et à l’Histoire. 

La Carte postale était saisissant. Il tenait en haleine par son questionnement et son mystère, construisant un roman presque policier. Mais, surtout, il contenait des passages bouleversants sur les descendants invisibles de la Shoah, des pages où Anne Berest avait laissé couler le flot d’une émotion personnelle, d’un chambardement vécu, que tous les cabossés de l’Histoire pouvait reconnaître, et ressentir.

De père en père en fille

Dans Finistère, ces éclats ne surgissent pas. Le récit, chronologique, traverse plus d’un siècle d’histoire des Berest, de père en fils. Eugène père, paysan syndicaliste breton au début du XXesiècle, Eugène fils, étudiant breton doué parti à Henri-IV pendant l’Occupation, puis Pierre, fils d’Eugène fils et père d’Anne Berest, étudiant breton exceptionnel à Louis-le-Grand en 1968. Une histoire d’hommes brillants, sans accident, politiquement ancrés dans le progrès paysan ou la contestation sociale, voire la révolution. Mais avec lesquels l’identification est difficile. 

Malgré les journaux consultés, les paroles recueillies et la volonté de la narratrice d’entrer en contact avec ces hommes qu’elle a aimés ou peu connus, on reste comme à l’extérieur de leurs consciences de surdoué matheux, de latiniste exceptionnel, de père timoré, d’amoureux immédiat et d’époux peu commenté. Seule compte la transmission d’un don qui ouvre la porte des grandes écoles parisiennes, de l’élite intellectuelle. Celle qu’elle franchira à son tour, et qui n’est jamais effleurée par les difficultés communes – comment on trouve un travail, un logement, comment on paye les études de ses enfants…

Une histoire lisse qui finit par lasser, rehaussée par quelques pages féministes ou traversant la première marche des fiertés, le regret des liens qui n’ont pas pu être tissés, et une langue toujours fluide et rythmée. Parfois, trop rarement, abrupte comme les falaises du Finistère.

AGNÈS FRESCHEL

Finistère d’Anne Berest
Albin Michel - 23,90 €
Paru le 20 août

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