mercredi 2 octobre 2024
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Idées fossiles

Dans Vers l'écologie de guerre, le philosophe Pierre Charbonnier appelle à une perspective pragmatique sur le climat

Dans la continuité de son ouvrage Abondance et liberté, paru aux éditions La Découverte en 2020, Pierre Charbonnier publie un nouvel opus, Vers l’écologie de guerre, une histoire environnementale de la paix. Très documenté, il offre effectivement à lire plus un travail d’historien que de philosophe, sa discipline. En s’intéressant aux idéologies et à leur évolution, aux rapports de force entre nations, aux (dés)équilibres Nord/Sud, aux tensions entre l’Est et l’Ouest, à l’économie et la géopolitique, il montre bien à quelles inerties et résistance acharnée ceux qui se préoccupent de la dégradation climatique ont affaire. Même si selon lui, face à l’urgence, les cartes sont rebattues, le jeu reste régi par une mentalité forgée dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les énergies fossiles ont assuré la structuration des relations internationales dans une stabilité relative, plutôt inédite à l’échelle de l’histoire humaine, et, en Occident, une tranquillité des populations biberonnées à la consommation. D’où la difficulté d’y renoncer. « La croissance, va-t-il jusqu’à avancer, a été un outil antifasciste et anti-totalitaire absolument merveilleux ».

Or, d’après le philosophe, il est temps de considérer de manière « réaliste » la menace existentielle que fait peser le carbone sur nos sociétés. Comme en temps de guerre, donc, quand réguler le marché devient tout à coup légitime. Les États reprendraient la main sur l’industrie émettrice de CO2, non par conviction humaniste, mais parce que ce serait la seule manière de continuer à préserver leur puissance. Il faudrait basculer d’une représentation du monde où le pétrole est l’autre nom du pouvoir, à une autre où il ne sert plus ses intérêts. Une thèse piquante, particulièrement au vu des derniers grands événements internationaux sur le climat, comme la Cop28 qui s’est tenue en Arabie Saoudite : les contradictions de notre époque se font de plus en plus flagrantes.

Et la biodiversité ?

Mais, même si elles trouvaient une source d’énergie « propre », permettant de remplacer les fossiles, nos civilisations de la démesure ne pollueraient-elles pas la planète de plus belle, la rendant malgré tout invivable ? Prendre en compte la biodiversité qui s’effondre est une nécessité, y compris dans son articulation au changement climatique (selon le rapport 2022 de l’IPBS*, la survie de l’humanité dépend de la coexistence avec 50 000 espèces sauvages). Or Pierre Charbonnier n’en touche mot. Si même ceux qui essaient d’avoir une réflexion de fond sur l’écologie ne s’en préoccupent pas, l’espoir continuera de s’amenuiser !

GAËLLE CLOAREC

* Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

Vers l'écologie de guerre, de Pierre Charbonnier
La Découverte - 23 €
Sortie le 29 août
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