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Pour Emmanuel Mouret, il n’y a pas d’amour heureux

Présenté en avant-première lors de la soirée d’ouverture du FIDMarseille le 5 juillet, Chronique d’une liaison passagère, du Marseillais Emmanuel Mouret, sort en salle le 14 septembre

Quand il ne s’applique pas à la nourriture, de façon un peu surannée, l’adjectif « délicieux » exprime le charme, l’élégance, l’esprit, des gens et des choses. C’est ce qualificatif qui vient spontanément aux lèvres, au moment du générique de fin du onzième film d’Emmanuel Mouret : Chronique d’une liaison passagère. Drôle, malicieux, tendre avec ce qu’il faut d’amertume – puisque, on le sait bien, il n’y a pas d’amour heureux. Il y a « les choses qu’on dit, les choses qu’on fait », titre du précédent film du réalisateur. Il y a aussi celles qu’on voudrait dire et qu’on ne dit pas, celles qu’on voudrait ne pas ressentir et qu’on ressent malgré soi, générant des distorsions qu’Emmanuel Mouret ne cesse d’explorer.

Charlotte (Sandrine Kiberlain, plus solaire que jamais) et Simon (Vincent Macaigne, dans sa brune rondeur) deviennent amants. Elle est célibataire, mère de grands enfants,  décomplexée et pragmatique. Elle cherche le plaisir charnel au présent, sans attache ni contrainte, réfractaire à toute passion. Simon est marié, père de famille, plus passif, plus hésitant qu’elle. Il accepte comme un cadeau cette maîtresse qui prend les initiatives, ne lui demande pas de quitter sa femme et affirme que leur liaison sera une « parenthèse » vouée à se refermer. 

Virtuosité

C’est cette parenthèse où vont se construire un attachement de plus en plus fort, une complicité de plus en plus étroite et un bonheur charnel et spirituel, que nous donne à voir le film. D’un rendez-vous à l’autre, l’agenda de la relation adultère s’effeuille. La vie des amants en dehors de ces rencontres, reste hors champ, mise à distance, et par un renversement subtil, c’est elle qui se trouve mise entre parenthèses. Le réalisateur va à l’essentiel jouant de la répétition et de la variation avec la virtuosité et la précision qu’on lui connaît, soignant les décors urbains ou bucoliques jusqu’à la superbe villa Louis Carré signée Alvar Aalto. Il place les amants dans le mouvement et dans le flux du temps qui passe, les changeant imperceptiblement. Le scénario minimaliste se cisèle par les détails, et le duo Kiberlain-Macaigne excelle à exprimer tous les « désordres » de la passion amoureuse, au moment même où le discours de chacun, maladroit ou retors cherche à les domestiquer. Il y a du conte moral dans l’air. On rit du déni de ceux qui se croient plus malins que l’amour, se mentent à eux-mêmes, et, voulant assouvir les fantasmes de l’autre, au temps d’un Marivaux point zéro provoquent la fin d’une relation idéale. On se sent délicieusement tristes aussi, comme devant tout ce qu’on perd bêtement, parce qu’on a tous vécu plus ou moins ces déroutes-là. Les mots de Gainsbourg dont la célèbre Javanaise prélude et clôt le film, deviennent les nôtres : J’avoue j’en ai bavé. Pas vous ?

ÉLISE PADOVANI

Chronique d’une liaison passagère d’Emmanuel Mouret
En salles le 14 septembre
En compétition au Festival de Cannes 2022
Présenté en avant-première au FIDMarseille, le 4 juillet 2022,
au Théâtre Silvain 
en partenariat avec Ciné Plein-Air

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