Le nouveau CD consacré à la carrière d’Henri Tomasi s’attache à ses œuvres pour violon. Si la chronologie n’organise pas le déroulé de l’exécution des pièces du disque, on peut s’amuser à suivre les traces du musicien depuis 1923, année durant laquelle il composa le sublime Poème pour violon et piano (pétillant Romain David) dont la ferme structure laisse éclore la simplicité des mélodies qui parfois s’emportent. Ce n’est pas ce morceau de jeunesse qui ouvre le volume mais l’œuvre maîtresse de la maturité, le Concerto pour violon « Périple d’Ulysse » de 1962, inspiré de La naissance de l’Odyssée de Giono et créé par son commanditaire en 1964, le violoniste Devy Erlih. Le violon est à l’image du héros homérique dans ses colères, ses tristesses, son esprit aventureux ; la violence de sa destinée s’élance sur les vagues puissantes de l’orchestre, virtuose, somptueuse, bouleversante dans ses émois où les harmonies réitèrent leurs motifs ostinato. Puis flirtent avec l’atonalité, s’emballent en des cadences éperdues, éblouissantes dans le foisonnement des registres servis avec maestria par l’Orchestre de la Garde républicaine sous la houlette de Sébastien Billard et la violoniste Stéphanie Moraly.
Délices d’Orient
Composé trente ans avant le périple d’Ulysse, le Capriccio pour violon et orchestre (1931, révisé en 1950) offre sa palette chatoyante, jonglant entre sombre et douloureuse gravité et intensité débridée, un petit chef d’œuvre. L’Orient séduit le compositeur qui offre un envoûtant Chant hébraïque pour violon et orchestre qui est imprégné des accents d’une gamme orientale et nostalgique. La Tristesse d’Antar rappelle une autre épopée, celle du héros maudit dont la naissance le condamnait au statut d’esclave et qui, chevalier valeureux et poète dut remporter moult batailles pour enfin obtenir la main de la belle Abla la Potelée… Deux pièces écrites en hommage à la Corse, terre des origines, referment le CD, Chant corse (1932) et Paghiella, Sérénade cyrnéenne (1928). Sans doute l’inspiration très littéraire et méditerranéenne font de ces pièces, non des témoignages de la réalité de la musique corse de son temps, mais en offrent une version fantasmée emplie d’hispanismes d’une délicieuse vivacité. C’est ainsi que s’instaurent les mythes…
MARYVONNE COLOMBANI
Henri Tomasi, Complete Violin Works
Naxos