mercredi 24 avril 2024
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Juste au bord de l’abîme

Dans un polar sombre et macabre, Santiago Gamboa entraîne le lecteur dans une Colombie pas encore débarrassée de ses démons

Il pleut sur Bogota. Une pluie tenace, crachin souvent, orage diluvien parfois. Le dernier roman de Santiago Gamboa baigne dans cette atmosphère qui colle aux pieds, transperce jusqu’aux âmes. La pluie donc, qui ravine tout et fait parfois surgir du sol détrempé des ossements. Dès l’ouverture, le ton est donné : Colombian Psycho flirte avec l’horreur. Car les os jaillis de la terre s’avèrent être ceux d’un homme bien vivant qui, réduit à une tête et à un tronc, purge une longue  peine de prison. Cette scène macabre n’est que la première d’une longue série… Gamboa semble décidé à taper fort. Sur un pays où il est revenu après quelque trente ans d’exil en Europe, et qui, en dépit des accords de paix, peine à tourner la page des années terribles. Les paramilitaires règnent encore dans l’ombre (certains n’ont jamais payé pour leurs exactions), les narcotrafiquants continuent à s’en mettre plein les poches. Bref, la Colombie reste toujours sur le fil, au bord du chaos. 

Sans jamais rien lâcher 

Heureusement, dans ce pays convulsif, il reste des justes, fermement déterminés à déterrer les vieilles histoires et à faire payer les ordures, si haut placées soient-elles. On retrouve avec plaisir dans ce roman très noir le savoureux procureur Edilson Jutsinamuy et ses adjoints. On y retrouve également la journaliste d’investigation Julieta, ainsi que Johana, une ex-guerillera devenue sa fidèle assistante. On y croise même le romancier, devenu pour un temps personnage de sa propre fiction. Il faut dire que la série de crimes atroces qui adviennent dans Colombian Psycho ne sont pas sans évoquer l’intrigue d’un de ses romans précédents Retourner dans l’obscure vallée. Jeux de miroirs, crescendo sanglant. Gamboa s’en donne à cœur joie, n’hésitant pas à se faire subir les pires outrages. Est-ce pour exorciser sa colère ? Pour vomir toute sa rage face à l’impunité dont jouissent certains ? En tout cas, il entraîne le lecteur dans sa fureur exterminatrice. Car comme toujours l’humour, la dérision viennent alléger l’insupportable. On se délecte de ses personnages hauts en couleurs, comme cette Esthéphany/ Delia, prisonnière à la personnalité double, ou Amaranta Luna, la toxico amoureuse et naïve. Gamboa ne craint ni les invraisemblances, ni les méandres labyrinthiques d’une intrigue complexe. Et on le suit aveuglément au fil de presque 600 pages, car comme ses enquêteurs, il ne lâche rien. Jusqu’à la résolution finale, comme un timide rayon de soleil entre deux averses.

FRED ROBERT

Colombian Psycho, de Santiago Gamboa 
Éditions Métailié - 23 €
Traduit de l'espagnol par François Gaudry
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