L’infatigable arpenteuse des chemins de la danse, Josette Baïz, sait s’emparer des chorégraphies les plus contemporaines pour les partager avec les jeunes danseurs de son ensemble Grenade. « Il n’y a pas de carcan contemporain grâce à l’ouverture du corps et du mental, car le mental aussi doit accepter les gestes que le corps porte. Si quelqu’un est fermé sur une seule technique, il n’a pas sa place à Grenade », expliquait à Zébuline la chorégraphe. En effet, ses danseurs, venus d’horizons très différents, hip-hop, classique contemporain, traditionnel, ont la capacité d’intégrer avec la fougue de leur enthousiasme les formes qui ne leur étaient pas familières, découvrent et apprennent de nouvelles techniques, se glissent avec une visible délectation dans les univers les plus différents et inspirent les artistes d’aujourd’hui qui, parfois, leur taillent sur mesure de nouvelles créations.
Interrogations de notre temps
L’époque est difficile, on en conviendra, les inquiétudes se multiplient, et la question des lendemains pour la jeunesse ne cesse de se complexifier. Ce n’est pas une raison pour s’enfermer dans de stériles lamentations, le spectacle Demain, c’est loin ! offre en trois pièces un aperçu du talent des danseurs de Grenade. La chorégraphe australienne Lucy Guerin a composé pour les trente ans de la troupe, sur une musique d’Alisdair Macindoe, How can we live together ? (un travail qui suit une géométrie rigoureuse et s’interroge sur la possible reconstruction de la vie sur notre planète), servant une thématique que l’on retrouve dans les extraits du spectacle de (La) Horde, Room with a view : dans un monde en proie à la destruction, comment rebâtir les êtres, les relations, imaginer l’élaboration de modes sensibles qui donneraient un sens au futur.
La puissante énergie des danseurs trouve ici des voies nouvelles et passionnées où les corps exultent dans un dépassement perpétuel d’eux-mêmes. En incise, l’œuvre de Josette Baïz, 25e Parallèle, avec laquelle elle a remporté le fameux concours de Bagnolet en 1982, sert de jonction poétique où le jour et la nuit se conjuguent en une élégance mutine qui nourrit l’onirisme du propos. Les jeunes gens passent par tous les registres mus par une exigence qui les implique tout entiers, et c’est très beau et bouleversant. L’avenir se réfléchit et se modèle grâce à la danse qui apporte son regard sur les êtres et le monde, véritable caisse de résonance des remuements de nos sociétés. Les enfants irradient sur scène et s’approprient avec une justesse qui se retrouve autant dans leur technique souvent impressionnante que dans leur capacité à rendre les intentions des chorégraphes. Leur spontanéité et leur fraîcheur apportent au propos une réalité prenante qui subjugue les publics les plus exigeants.
MARYVONNE COLOMBANI
Demain, c’est loin !
14 et 15 avril
Les Salins, scène nationale de Martigues
04 42 49 02 00
les-salins.net