« Bonjour, on pourrait peut-être sortir la couette d’hiver ? – T’as raison, je m’en occuperai – Merci ! »C’est par ces mots banals que commence la journée de Watako (Mugi Kadowaki) qu’on voit seule à l’écran, s’apprêtant à sortir d’une maison aux couleurs froides. Elle monte à bord du train express Hakone 60 où elle retrouve un homme. La caméra ne quitte pas la jeune femme durant cette journée qu’elle passe avec Kimura (Shōta Sometani), son amant depuis un an. Ils font du « glamping » (camping tout confort) à Yamanashi, des selfies, vont regarder s’envoler les avions tout en parlant de leurs familles respectives. Elle est mariée à Fuminori (Kentaro Tamura) qui s’occupe de son fils, revoyant souvent son ex, souvent sous le regard de sa mère. Ces escapades, légères, joyeuses, filmées dans la lumière, permettent à Watako d’échapper à ce qu’elle vit, la routine du couple, des journées sans fantaisie, un quotidien qui lui pèse. Mais au retour d’une de ces parenthèses enchantées, son amant Kimura se fait renverser par un véhicule et meurt. De cela, Watako ne parlera à personne : ni à ses proches, ni à sa meilleure amie, Eri (Haru Kuroki), ni à son mari. Elle ne pleure pas, cache sa peine et son sentiment de culpabilité à tous : elle n’a pas prévenu les secours au moment de l’accident. Comme absente, elle continue à vivre, face à la perte, terrible, définitive, de l’homme qu’elle aimait.
« Ça ne nous regarde pas »
À partir de cette trame narrative, simple, somme toute assez banale, le jeune cinéaste et dramaturge, Takuya Kato, réalise avec La Mélancolie un film délicat, dans une mise en scène très soignée où le choix du cadre et de la palette chromatique soulignent finement les émotions. Certes, il aborde les thèmes universels de l’usure de l’amour dans le mariage, de l’adultère, du deuil, des choix à faire dans la vie mais il fait aussi le portrait d’une société japonaise où respecter excessivement les codes de bienséance peut fermer les cœurs. « La question que j’avais envie de traiter à travers ce film est la question de la responsabilité, le fait de se sentir concerné ou non par les événements que l’on vit. Je crois qu’au Japon il y a une grande tendance à penser qu’on n’est pas concerné, que ça ne nous regarde pas, que ça se passe en dehors de nous. Les gens ont tendance à ne pas s’impliquer dans ce qu’ils estiment être en dehors d’eux.»Mugi Kadowakiincarne à la perfection cette femme frappée au cœur, qui commence à sombrer dans la mélancolie. En sortira-t-elle ?
ANNIE GAVA
La Mélancolie, de Takuya Kato
En salles le 14 août