Très respectée dans son Danemark natal et alentour, notamment en Allemagne, Stine Pilgaard était encore jusqu’à peu une totale inconnue en France. La parution au Bruit du Monde du Pays des phrases courtes a permis, l’an dernier, cette belle découverte. Rares sont en effet les écrivains ayant à cœur d’explorer un registre comique, et tout particulièrement à la première personne. Quelque chose d’un David Lodge ou, plus récemment, d’un Fabrice Caro, émane de ces ruminations désabusées, au fil desquelles la narratrice semble échapper, grâce à force traits d’esprit et rebondissements bien sentis, aux affres de la dépression.
Le pays des phrases courtes scrutait avec délice la solitude d’une jeune mère dans la petite ville de Velling, partageant son quotidien entre les collègues de son compagnon, enseignant dans une sorte d’école Montessori, et des leçons de conduite bien peu concluantes à l’auto-école du coin. En cours d’adaptation pour le cinéma, ce texte paru en 2020 avait été précédé en 2012 d’un premier roman qui avait fait grand bruit, Min Mor Singer – « ma mère dit ». Bien en a pris à la traductrice Catherine Renaud de le re-titrer Les monologues d’un hippocampe, référence à la zone du cerveau responsable de la mémoire émotionnelle, faisant de régulières apparitions dans la parole de l’autrice. La langue demeure redoutablement drôle mais également très travaillée : les dialogues indirects entre la narratrice, tout juste larguée par sa petite amie, et sa mère décidément combattive, sont notamment particulièrement savoureux. De même que la galerie de personnages – un père pasteur, un médecin dépassé, une amie très portée sur la bouteille – qui accompagne ce léger passage à vide vécu comme une tragédie. Et le transforme en une charmante histoire d’amour.
SUZANNE CANESSA
Stine Pilgaard, Les monologues d’un hippocampe, roman traduit du danois par Catherine Renaud, Le Bruit du monde, 160 pages, 21 €