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L’art de la réparation

Dans La Mécanique des choses, Alessandra Celesia s’intéresse à la guérison, qu’elle soit du corps, ou de l’âme 

 Dans une masterclass à Marseille, la réalisatrice Alessandra Celesia avait parlé de ce qu’était pour elle faire du cinéma : « Pour moi, filmer est une manière de s’interroger et de se “soigner”. Il y a quelque chose que tu ne comprends pas du monde et c’est en le filmant que tu essaies de le saisir. Filmer le réel, c’est tenter d’y mettre un peu d’ordre aussi. […] La réalité est insupportable alors il faut la raconter pour essayer de la comprendre. »

Chacun de ses films précédents lui a permis de peaufiner son travail en posant des questions : jusqu’où peut-on aller ? Le documentaire peut-il être vrai ? Qu’est-ce que la vérité ? Par exemple, dans Anatomie d’un miracle, la cinéaste qui n’est pas croyante, suivait trois femmes paralysées cherchant le miracle auprès de la vierge bleue qui saigne, métaphore de son impossibilité à vivre dans son Italie. Une manière de voir comment chacun s’en sort de ses blessures.

Une idée qui tombe à pic

La Mécanique des choses, son dernier film, plus personnel, nous donne à voir une cinéaste à fleur de peau, qui a besoin de réparer toutes ses failles. Un film qui s’est imposé tout à coup, à la suite d’une chute, celle de Tito, son chat, tombé du 8e étage, vivant mais les pattes brisées. Un choc pour Alessandra Celesia,qui en a fait resurgir d’autres, traumatismes de l’enfance, accidents de l’âge adulte. Culpabilité et envie de réparer. Elle contacte l’Association française de personnes paralysées et, grâce à la chercheuse Stefana Carelli, rencontre à Barcelone une équipe de chirurgiens chinois qui travaillent sur la régénération de la moelle épinière. Quand l’un d’entre eux accepte d’opérer Tito, nait l’idée du film.

Alessandra et son équipe partent à l’hôpital Tongren de Kunming, en compagnie de gens paralysés, volontaires pour être opérés. Un fil narratif clair : on va suivre leur aventure, les connaitre peu à peu, Aline, Virginie, Stéphane et toute l’équipe chinoise. Mais si on peut régénérer la moelle osseuse, peut on régénérer l’âme ? Par le jeu subtil du montage, d’autres strates surgissent, celles de la mémoire ; le présent et le passé se télescopent, nous révélant les blessures de la cinéaste : la culpabilité de n’avoir pu « sauver » son père de la dépression, d’avoir cru être responsable d’un accident de la route. Des images rugueuses, furtives, extraits de films de famille, son père au gouvernail d’un bateau sur la mer ou scènes reconstituées, l’accident et le motard, blessé à terre. Une fillette blonde, tantôt elle enfant, tantôt une autre. Elle adulte, filmée en gros plans par son fidèle directeur de la photo, François Chambe, face à sa thérapeute qui fait émerger l’iceberg, tomber les barrières. Un film particulier, un film qui soigne : « Le remède, c’est ça qui est à la base de mon film. » La Mécanique des choses ?  Celle des corps aussi et des choses qui sont en nous et qu’on n’arrive pas à connecter. Un film fort qui nous fait approcher de très près cette cinéaste sensible dont on avait fort apprécié les opus précédents, en particulier Come il bianco présente au FID 2020.

ANNIE GAVA

Le film a été présenté aux États généraux du film documentaire de Lussas.

La Mécanique des choses, d’Alessandra Celesia
En salles le 6 décembre
Une séance est prévue le 16 décembre au cinéma La Baleine (Marseille) en présence de la réalisatrice.(En clôture des RISC)

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