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« Le Capitaine Volkonogov s’est échappé », les fautes de nos pairs

Le troisième long-métrage de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov jette un regard sans concession sur la Russie d'hier et d'aujourd'hui

Il en aura fallu, du temps, pour que Le Capitaine Volkonogov s’est échappé trouve le chemin des salles. Écrit et achevé bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce troisième long-métrage co-réalisé par Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov en semble pourtant, d’une certaine façon, annonciateur. Tourné en pleine épidémie de Covid-19 avec le soutien du ministère de la Culture, salué à la Mostra de Venise en 2021, il n’est cependant jamais sorti en Russie depuis. Il a même valu à ses deux réalisateurs un exil prolongé en Azerbaïdjan.

Récit des grandes purges staliniennes, Le Capitaine Volkonogov s’est échappé ne se présente cependant pas comme un documentaire à charge sur cette année sombre où près de 750 000 citoyens soviétiques furent assassinés par le NKVD. Sans rien occulter de la violence à l’œuvre, le couple Merkoulova-Tchoupov recourt cependant à une esthétique et à un ton empruntés au conte et à la satire, dans la droite lignée de leur précédent long-métrage, L’Homme qui a surpris tout le monde, sorti en 2018. D’aucuns leur ont reproché ce goût de l’onirisme, qui sait faire cohabiter le grotesque et le tragique pour mieux dire le réel. D’autres verront dans cette réalisation au cordeau, maîtrisée de bout en bout, des emprunts au meilleur du thriller télévisuel, où le couple a déjà fait ses preuves – sur les acclamés Call-Center et Anna K. Mais il faudrait bien de la mauvaise foi pour accuser Le Capitaine Volkonogov s’est échappé d’esthétiser sa violence, ou de céder à des facilités de mise en scène.

On plonge donc tête la première dans une Russie de 1938 cauchemardesque, quelque peu altérée dans son imaginaire : costumes plus proches des années 1980, grain de l’image évoquant les années 2000… Le climat, paranoïaque à souhait, évoque bien d’autres époques, et bien d’autres grands films. Il est surtout propice à une résonnance entre ces différents chapitres sombres de l’Histoire de la Russie, et d’ailleurs. Le magistral Yuriy Borisov, déjà aperçu, entre autres, chez Kirill Serebrennikov, prête ses traits anguleux et sa présence monstre à Fedor Volkonogov. Ce bourreau qui, après avoir dispensé ses services au NKVD, se voit à son tour poursuivi pour des faits de trahison fantaisistes, et contraint à une fuite vers sa possible rédemption. Mais la faute semble, ici comme ailleurs, décidément insoluble.

SUZANNE CANESSA

Le Capitaine Volkonogov s’est échappé de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov

En salle le 29 mars

Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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