jeudi 18 avril 2024
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Le double monde de Pierre Alechinsky

Au fil des pages et du bois se dessine l’œuvre gravé de l’artiste franco-belge

Alechinsky n’a pas choisi le Domaine de Chaumont-sur-Loire par hasard pour son exposition Alechinsky à l’imprimerie. C’est là que le 21 mai 1940, il se réfugia avec sa famille après avoir fui la Belgique « les Stukas sur la tête ». Une précision historique de taille, écrite par l’artiste lui-même, en ouverture du catalogue publié chez Gallimard, magnifique ouvrage tout de bleu vêtu. Comme la veste traditionnelle tai chi que portait Alechinsky à l’inauguration de son exposition P.A., les Ateliers du Midi en 2010 au musée Granet à Aix-en-Provence ! Souvenir impérissable d’un « petit homme » penché sur ses cahiers, ses livres et dessins, en retrait de la foule, discret…  

Des journées à l’imprimerie

Hormis l’introduction de Chantal Colleu-Dumond, commissaire de la Saison d’art, le texte du catalogue est exclusivement celui d’Alechinsky : Vadrouille à l’âge lithique, ou 70 ans de dessins, gravures, lithographies, estampes murales et ouvrages de bibliophiles ! Une fascination pour le papier et les techniques d’impression qui ne l’a jamais quitté depuis ses débuts de typographe et d’illustrateur, et qu’il raconte de manière tendre et désordonnée. En un mot : vivante. On sent l’odeur des machines, les effluves d’huile et d’essence ; on résonne intérieurement du bruit des presses, des moteurs haletés, des pierres grainées à la main. On effleure le velouté d’une feuille. On courbe l’échine avec les margeurs et les façonneurs au-dessus des « bêtes à cornes », ces presses mastodontes dont il a fait ses compagnes depuis sa première lithographie en 1948. Alechinsky est depuis toujours un poète de la ligne et du mot, et l’ouvrage en est une nouvelle preuve si besoin en était. Avec modestie, encore, il raconte histoires et anecdotes sur la vie dans les ateliers, il rend hommage à ses compagnons de nuits sans sommeil et de gueuletons une fois la tension retombée. Il évoque les artistes dont il a signé les couvertures ou illustré les poèmes : Bonnefoy, Paulhan, Cendrars et tant d’autres encore… dont on découvre les éditions, parfois commentées par l’artiste. Comme avec Dotremont dont il signa l’affiche La Louvière en 1969. Quand il chemine avec un poète ou un écrivain, il parle « d’indépendance », car « dans un couple il est rare que l’on sache tout de l’autre », et préfère le mot « parure » à celui d’illustration « trop outrecuidant ». Modeste, pour toujours.  

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Alechinsky à l’imprimerie
200 pages, 180 illustrations
Gallimard - 30 €
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