Une course entre les vignes sous le soleil estival : le film de Baya Kasmi commence sur les chapeaux de roue par une scène haletante et fébrile. Un gendarme apporte une assignation à comparaître au tribunal de Marseille à Michaël Gozzi alias Mikado qui arrive à bout de souffle, au moment où le représentant de l’ordre questionne un petit garçon laissé seul dans la pinède, sur l’identité de ses parents. Non ce n’est pas mon fils, c’est celui d’un voisin, affirme Mikado avant de l’étreindre après le départ du gendarme, anxieux de ce qu’a pu dire l’enfant qui l’appelle papa. L’explication de cette attitude étrange viendra assez vite et l’histoire de Mikado et de sa petite tribu se dévoilera progressivement.
Mikado (Félix Moati), sa femme Lætitia (Vimala Pons), leur fille adolescente Nuage (Patience Munchenbach) et leur jeune fils Zéphyr (Louis Obry) vivent dans un vieux van bricolé. Ils font la route joyeusement vers le sud, tremblant à chaque contrôle routier comme des hors-la-loi, cachant, dès qu’un képi apparaît, leurs enfants, sous une couverture. On apprend qu’ils ne les ont jamais déclarés, ne les ont jamais scolarisés. Mikado et Lætitia sont des cabossés de l’enfance. Lui, traumatisé par l’abandon de sa mère et les maltraitances d’une famille d’accueil. Elle qui a également connu les foyers de la DDdass. Tous deux veulent protéger leurs petits d’une société qui n’a pas su le faire pour eux.
Une pause à la villa
Mikado est toujours en colère, sur le qui vive, tenaillé par la peur d’être exclu. Son surnom vient-il de la déformation de son prénom ? Du jeu d’adresse qu’il garde sur lui ? Ou de son instabilité sensible ?
La panne de leur van et la rencontre d’un professeur de lettres, Vincent (Ramzy Bedia), veuf, père de Théa (Saül Benchetrit), une ado de l’âge de Nuage, va arrêter cette fuite en avant et bouleverser les vies de chacun. Dans la belle villa de Vincent où ils font halte, les points de vue se croisent : chacun va mieux comprendre l’autre et apprendre à l’apprivoiser.
Mikado finit par réaliser que les enfants, on les croit heureux parce qu’ils vous sourient mais qu’ils ne peuvent pas faire autrement car ils ne décident de rien. Pas même de leurs prénoms. Ceux des siens les vouent à la légèreté et l’instabilité de l’air mais ni Nuage, ni Zéphyr n’ont choisi d’être marginalisés, précarisés, déscolarisés, invisibilisés. L’amour des parents, indispensable, ne suffit pas pour se construire une vie. Nuage rêve de « normalité » et Zéphyr est heureux de se poser.
Chronique sociale, récit d’apprentissage, le film de Baya Kasmi, superbement éclairé par Romain Le Bonniec, bénéficie d’un casting impeccable. C’est beau et triste comme la chanson de Nino Ferrer, La Rua Madureira, que la famille entonne en chœur dans le van. Une bossanova qui caresse et déchire, flottant dans la tête longtemps après le générique de fin.
ELISE PADOVANI
En salle le 9 avril
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