mercredi 2 octobre 2024
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Le Grand ménage de printemps : Le Sud Luberon passe la pièce 

Le festival des arts de rue poursuit son exploration itinérante du Luberon

Pour sa 8e édition, Le Grand ménage de printemps entérine son itinérance sur le territoire, amorcée en 2021. Après le week-end d’ouverture à La Tour d’Aigues, trois nouvelles étapes quotidiennes mènent à la clôture à Cadenet la dernière semaine du mois d’avril. Dès le mercredi soir, c’est 2 secondes !, un grand classique de la rue, qui investit Cucuron. Toujours tiré à quatre épingles dans son costume cintré, Ivan Chary, le Petit Monsieur de la compagnie éponyme, se débat contre une retorse tente de camping. Un sans parole burlesque dont le succès ne se dément pas depuis une quinzaine d’années. Suivent d’autres expériences vivifiantes multigénérationnelles : avec On the road, la Compagnie Monsieur K propose une expérience atypique de théâtre en voiture, pour une très courte forme de douze minutes. Déjà accueilli l’an dernier, le Collectif La Méandre réitère pour sa part son dialogue mouvant entre une danseuse et un musicien (Bien parado). Elles aussi fidèles du festival, les quatre danseuses de la compagnie vauclusienne Oxyput Compagnie rejouent leur incandescente ode au pogo, inaugurant un inédit rituel collectif autour de la nécessaire sauvegarde des ressources fossiles (Full Fuel). 

Flirter avec les limites 

Soucieux de proposer du théâtre de qualité au plus grand nombre, le festival accueille aussi cette année deux premières de créations. Au début des années 1960, Edgar Morin et Jean Rouch sondaient les Parisiens, hélés dans la rue ou interrogés dans l’intimité de leurs appartements à huis clos, sur la notion du bonheur, dans un documentaire devenu fameux (Chronique d’un été). Une cinquantaine d’années plus tard, la compagnie Débrid’Arts actualise le propos avec Bonheur ? Vous avez dit bonheur ?, tramé autour de textes de Judith Arsenault et Marion Aubert mais aussi de paroles collectées dans des villages du Luberon auprès d’un maire, d’un berger, d’une couturière… Un patchwork restitué lors d’une expérience de théâtre musical en déambulation. Autre première : avec Les revenants de l’impossible amour, l’auteur haïtien Faubert Bolivar est une nouvelle fois adapté par Vladimir Delva. À la tête de la compagnie La Flambeau, le dramaturge se revendique de l’ethnodrame, une discipline dans laquelle les rituels du vaudou – chants, danses, prières – deviennent des enjeux dramaturgiques. Autre proposition flirtant avec les limites : Spen & Lulla, une épopée libertaire campée par deux marginaux évoluant dans l’au-delà, pensée par le Collectif Xanadou dontles membres revendiquent créer des spectacles en tant que remède à la mélancolie, « un peu comme les chimistes créent les antidépresseurs ». 

Tutoriel funéraire

Enfin, c’est avec une pièce de maître, réunissant les enjeux d’un théâtre de rue considéré comme un service public de haute voltige, que se clôt cette édition. Avec Hiboux, la compagnie Les trois points de suspension, férue de fresques documentaires dans lesquelles les monologues échevelés le disputent à la rigueur historique, livre une précieuse réflexion sur les rituels funéraires. Un concentré d’émotions d’une rare intensité, livrant des informations tant pratiques – tel un véritable tutoriel destiné à ne pas rater sa cérémonie ni celle des autres – que théoriques, tentant de cerner l’étendue des besoins archaïques qui se nichent derrière les relations que nous entretenons avec nos disparus. Ce spectacle salutaire, d’une grande intelligence émotionnelle, ménage une discussion avec les artistes en aval de la représentation, pour ouvrir la parole sur un sujet encore largement tabou bien qu’universel. 

JULIE BORDENAVE

Le Grand ménage de printemps
Du 21 au 30 avril
Divers lieux, Sud Luberon
legrandmenage.fr 
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