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« Le Molière imaginaire » la chatoyante comédie d’une agonie

Olivier Py livre un bel hommage fantasmé de l’illustre homme de théâtre

Après Ariane Mnouchkine (1978) et Laurent Tirard (2007), c’est au tour d’Olivier Py de consacrer un film au dramaturge. Ressuscité par un charismatique Laurent Lafitte, on s’intéresse ici à ses derniers instants, le 17 février 1673, soir de la quatrième représentation du Malade imaginaire. Si Olivier Py entreprend de détruire certains mythes, comme celui qui voudrait que le dramaturge soit mort sur scène, c’est une représentation largement imaginée qu’il propose avec ce huis-clos dans le théâtre du Palais-Royal, tourné à la Fabrica d’Avignon.

Trouple de théâtre

En parallèle de la représentation de la dernière comédie de Molière, qui structure la chronologie du film, d’autres scènes sont jouées, en coulisses, dans ce théâtre labyrinthique à plusieurs étages dont l’éclairage à la bougie tamise les couleurs. Des personnages bien connus de l’entourage de Molière – sa femme Armande (Stacy Martin), œuvrant inquiète au salut de son mari à l’agonie, ou encore La Grange (Émilien Diard-Detoeuf), auteur du célèbre registre renfermant de précieuses informations sur la troupe – en côtoient d’autres, occultés par l’histoire officielle. C’est ainsi que les spectateurs assistent, surpris, à des échanges poétiques et érotiques que le dramaturge partage avec Michel Baron, jeune comédien de la troupe avec lequel Molière aurait entretenu une relation amoureuse, comme le confirment plusieurs biographes. À cela s’ajoutent certains mythes – sa traduction de Lucrèce détruite par une servante qui aurait utilisé le papier pour faire des papillotes – ou rumeurs, comme le lien de filiation que ses ennemis lui prêtaient avec Armande, de vingt ans sa cadette. Le public n’est pas oublié, peuplé de ridicules qui évoquent ceux que Molière moque dans ses pièces, comme les trois précieuses édentées faisant figure de Parques annonçant la mort de l’auteur. Le choix de nombreux plans-séquences permet de circuler de manière fluide entre ces différentes scènes réelles et imaginaires.

Les amateurs de vérité historique n’aimeront pas ce film dont l’ambition affichée et assumée est de proposer une version imaginée de l’auteur, recréée, dans laquelle la fiction est délibérément mise au service de la vérité du dramaturge. Ou plutôt de la vérité qu’Olivier Py s’en fait. Libre variation autour de l’agonie de l’auteur, ce film testament est un bel hommage proposé par le réalisateur sur le maître de la comédie classique, avec lequel il lui est ainsi donné de dialoguer, à quatre siècles d’intervalle.

MATHILDE MOUGIN

Le Molière imaginaire, de Olivier Py
Sorti le 14 février 2024

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