C’est somme toute à un joli pied de nez qu’Un Sacre, des Printemps nous invite. Là où le célèbre ballet composé par Stravinsky et chorégraphié par Vaslav Nijinsky relatait le sacrifice d’une adolescente, c’est à l’avènement d’une génération en devenir que Arthur Perole nous convie. Cette lecture tient habilement la route : évoquer une tradition ancestrale pour esquisser les contours de l’avenir semble aujourd’hui dépourvu de sens. Car le retour à la terre et à la nature évoqué et redouté par les deux artistes russes n’a, pour ces danseurs âgés de 18 à 21 ans, aucune réalité. Le vert arboré par les costumes évoque, certes, une volonté de préservation. Mais celle-ci ne s’effectuera pas, une fois de plus, à leurs dépens.
Saccadés et tempétueux
Si l’argument se voit ainsi retourné par l’intrigue, le ballet original, tenu de toute évidence en grande estime par le jeune chorégraphe, fait davantage l’objet d’un hommage constant et toujours florissant que d’un débroussaillage dans les règles de l’art. La musique, à quelques habiles ajustements électroniques effectués par Benoît Martin, demeure intacte : son sens de la pulsation, du malaise et du flamboyant est chéri, accompagné par la composition des tableaux, la déclinaison et décomposition des gestes. Comme chez Nijinski, ce sont moins des individus distincts que des troupes qui se meuvent, s’articulent, se délient. Les corps s’étirent, exultent, se mettent en transe, jusqu’à se réunir le temps d’un final plus qu’impressionnant. Saccadés, tempétueux, les mouvements se font également outrés, grimaçants, dans la droite lignée des travaux précédents d’Arthur Perole. Ils donnent à voir des gestes épars, liant les danseurs entre eux ou à eux-mêmes, des interactions et des altercations théâtralisées, où le quotidien et le burlesque cohabitent sans difficulté. Le choix du ralenti et de l’expressivité se révèle un défi pour des danseurs prompts aux mouvements les plus acrobatiques, mais rarement sollicités sur l’extrême lenteur et l’infiniment petit. La troupe s’en sort avec les honneurs, forte d’une technique mais aussi de qualités d’interprétation rares.
SUZANNE CANESSA
Un Sacre, des printemps a été joué les 14 et 15 avril au Pavillon Noir, Aix-en-Provence.