En ce 14 novembre 2023 le Festival Musiques Interdites dédie les Kindertotenlieder, les Chants de enfants morts de Gustav Mahler « à tous les enfants victimes », refusant de dire un mot de plus, de nommer même des différences.
Ils ne font pas exception. La veille au Camp des Milles il était question de l’antisémitisme génocidaire ; Films Femmes Méditerranée le 22 novembre invite Hiam Abbas à retourner à Tibériade, le Théâtre Joliette programme un temps fort palestinien, et Milk, bouleversante tragédie des mères palestiniennes qui pleurent leurs enfants morts et leurs corps vidés, leur seins inutiles…
La tragédie de cet Orient si proche est sur toutes nos scènes, programmées bien avant le 7 octobre, comme si une fois de plus les artistes avaient pressenti et anticipé les gouffres du réel. La réponse politique à cette clairvoyance, à cette empathie sensible, reste pourtant aveugle, opposant les deux camps sans mesurer la douleur inexprimable des enfants morts. Tués par l’un ou l’autre, de l’un ou l’autre côté.
Antisémites
Refuser le racisme et l’antisémitisme relevait il y a 40 ans, en France, du même combat. Aujourd’hui on les distingue, on les oppose, on attise les haines en perpétuant les préjugés. Ceux des antisémites ont la peau dure : intellectuel, riche, privilégié, insidieux et fuyant, le juif fantasmé est envié et le juif réel assassiné au nom de cette envie.
Les violences antisémites ont connu des accalmies au fil de l’histoire mais le préjugé envers les juifs reste tenace et menaçant. Idiot et révélateur quand Mélenchon parle de Yaël Braun-Pivet qui « campe » à Tel Aviv. Mais tout aussi inacceptable quand elle même affirme que « rien ne doit empêcher Israël de se défendre ». Aucun peuple ne peut recevoir de blanc-seing sur ses actes à venir, et le pays hébreu en voulant échapper à la loi internationale participe à la distinction mortifère du peuple juif.
Au-delà de l’empathie sensible des artistes, qui exprime et relaie les douleurs ineffables, il faudra pourtant construire une réponse politique à la recrudescence des actes antisémites en France, aux horreurs du terrorisme islamiste, aux crimes de l’armée israélienne. La présence du Rassemblement national et Stéphane Ravier, qui n’a jamais caché son racisme provocateur, au défilé du 12 novembre, ne contribue pas à lever les ambiguïtés et les confusions.
À ceux-là qui ne veulent que mort et vengeance, la réponse à donner est peut-être ce poème de Frédéric Rückert mis en musique par Malher. Pour que tous les parents, tous les humains comprennent l’impérieuse nécessité de paix.
Quand ta mère apparaît à la porte,
Et que je tourne la tête pour la voir,
Ce n’est pas sur son visage que tombe mon regard,
Mais à l’endroit, plus près du seuil,
Où serait ton visage,
Si, rayonnante de joie,
Tu entrais avec elle, comme autrefois, mon enfant
AGNÈS FRESCHEL