L’espoir du chaos

Présenté dans la cour d’honneur du Palais des papes, Le Moine noir de Kirill Serebrennikov ouvrait la 76e édition du Festival d’Avignon

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LE MOINE NOIR Texte kirill serebrennikov mise en scene, scenographie kirill serebrennikov, d’apres anton tchekhov , traduction macha zonina collaboration a la mise en scene et choregraphie ivan estegneev, evgeny kulagin avec filipp avdeev, odin biron, bernd grawert, mirco kreibich, viktoria miroschnichenko, gabriela maria schmeide, gurgen tsaturyan et les chanteurs genadijus bergorulko (baryton), pavel gogadze (tenor), friedo henken (baryton), sergey pisarev (tenor), vasiliy sokolov (baryton), alexander tremmel (tenor), dmitriy volkov (baryton) et les danseurs tillmann becker, arseniy gordeev, chris jäger, laran, ilia manylov, andreï petrushenkov, ivan sachkov, daniel vliek , musique jēkabs nīmanis direction musicale ekaterina antonenko, uschi krosch arrangements musicaux andrei poliakov dramaturgie joachim lux , lumiere sergey kuchar video alan mandelshtam , costumes tatiana dolmatovskaya assistanat a la mise en scene anna shalashov

« Stop the war ». Le slogan projeté sur le mur monumental de la cour d’honneur du Palais des papes à l’issue des deux heures quarante de représentation a l’avantage de mettre tout le monde d’accord. Ouverture nocturne de la 76e édition du Festival d’Avignon, l’adaptation du Moine noir, par le réalisateur et metteur en scène russe Kirill Serebrennikov habite magistralement son lieu le plus emblématique, balayé, en cette soirée de première, par les bourrasques d’un mistral que l’on croirait complice. Des conditions météorologiques qui, si elles ont contraint la pièce à quelques ajustements scénographiques, ont indéniablement accentué la puissance dramatique et mystique d’une pièce sombre et éprouvante, construite en quatre variations. De cette nouvelle fantastique – et méconnue en France – d’Anton Tchekhov, Serebrennikov, l’artiste banni, persécuté et contraint à l’exil, tire une œuvre polyphonique entraînant le spectateur dans la spirale de la folie humaine. Écrivain en quête de repos, Andreï Kovrine part en villégiature dans la propriété du jardinier qui l’a élevé et dont il épousera la fille. Le décor constitué de trois serres vouées à la destruction et dont les bâches floutent certaines actions, les interventions chorales des ouvriers, les lumières en clair-obscur, les apparitions oppressantes de mystérieux moines noirs, les gros plans vidéos et surtout la répétition des scènes comme autant de points de vue et par des interprètes différents (trois de nationalité et de langue différentes pour le rôle principal : l’Allemand Mirco Kreibich, l’Américain Odin Biron et le Russe Filipp Avdeev, tous remarquables) rendent palpable le naufrage mental, irréfrénable la plongée dans la démence. Comme si l’idéal de liberté revendiqué par Kovrine ne pouvait trouver d’issue autre que dans le chaos intérieur.

LUDOVIC TOMAS

Le Moine noir a été joué du 7 au 15 juillet, dans la cour d’honneur du Palais des papes, dans le cadre du Festival d’Avignon.