Parmi les nombreux effets visuels qui influent sur notre vision, la paréidolie est un phénomène très intéressant. Avec son étymologie grecque, signifiant littéralement « au lieu de l’image », ce mot renvoie à une déformation que notre cerveau impose à notre œil, nous conduisant à « voir » dans un paysage, un nuage, le marc de café, une tache d’encre, des objets ou des êtres qui n’y sont pas : un cheval au galop dans le ciel, une momie de pharaon posée sur la crète de la Sainte-Victoire, un papillon sur un papier maculé d’encre de Chine. Le dessin, en lui-même, n’est-il pas la trace de nos paréidolies ?
C’est ce terme qui a été choisi, il y a déjà dix ans, pour désigner ce salon dédié au dessin sous toutes ses formes. Une manifestation qui ouvre, avec Art-o-rama [lire p.IV], la rentrée de l’art contemporain à Marseille. Dans un esprit de complémentarité, mais aussi dans l’affirmation de l’importance d’une certaine figuration, de l’importance du travail et de la technique, d’un artisanat des artistes, qui sont souvent des femmes.
La dynamique des femmes
Piloté par une équipe féminine de choc – Martine Robin, directrice du Château de Servières, Françoise Aubert, art consultant, Michèle Sylvander, artiste, Cassandre Gil coordinatrice, Paréidolie réunit au Château de Servières, sous la présidence de Jean de Loisy, historien d’art – Pareidolie invite quinze galeries françaises et internationales. Et propose une programmation associée avec cartes blanches, artiste invitée, dessin vidéographique, rencontres : la dynamique créée est telle que le concept s’étend sur toute la côte méditerranéenne de Nice à Perpignan, grâce à « la saison du dessin » qui programme des expositions de dessins de septembre à décembre 2023 dans une trentaine de lieux partenaires. Une grande exposition est prévue au Musée d’art contemporain de Marseille (Mac), Le sentiment du dessin, concoctée par Chiara Parisi (Les Musées de Marseille), Jean de Loisy et Gérard Traquandi. Les échos inachevés présenteront des formes du dessin vidéographique au Mac et sur le Salon sous le commissariat de Jan-Philipp Fruehsorge.
Quant à l’artiste invitée, Diane Guyot de Saint Michel, qui vit et travaille à Marseille, elle base sa démarche artistique sur la parole, élaborant son œuvre sur « le partage du savoir et la co-construction ». Cherchant un « territoire d’entente » construit avec les personnes qu’elle invite, pour produire du sens.
Cartes blanches
Pour sa dixième édition, Paréidolie offre une carte blanche au Frac Sud qui est un partenaire historique. Avec « Phantasmagora », Muriel Enjalran, sa directrice, renouvelle le rendez-vous annuel du Fonds régional d’art contemporain qui célèbre son quarantième anniversaire et les dix ans de son bâtiment à la Joliette.
Parmi les quelques cinq-cents œuvres dans le champ du dessin rassemblés par le Frac, les œuvres de quatre artistes femmes seront exposées : cartes marseillaises de Cathryn Boch, traces urbaines presque effacées d’Ilana Salama Ortar, dessins quotidiens de Michèle Sylvander et surréalistes de Karine Rougier. Ces quatre visions puissantes issues d’artistes de générations différentes s’orchestreront dans le « processus paréidolien » qui privilégie une proximité avec les œuvres et les artistes et s’attache à travailler sur les enjeux d’un art en expansion, « nous projetant dans un futur artistique des plus stimulants » (Muriel Enjalran). Une autre carte blanche sera donnée au Centre d’art contemporain de Châteauvert (Come di Meglio & Eve Pietruschi) grâce au commissariat de Lydie Marchi.
Ajoutez la librairie éphémère (grâce à Histoire de l’œil), le « Photomaton » (portraits en direct par Susanne Strassmann), la présentation de jeunes artistes, déjà diplômés ou étudiants de l’École(s) du Sud, les prix, les résidences croisées, les acquisitions de Paréidolie à La Cartine… Le monde se poétise en « incroyables Florides » affirme à la suite de Rimbaud Jean de Loisy !
MARYVONNE COLOMBANI
Paréidolie
Du 1er au 3 septembre
Château de Servières, Marseille
04 91 85 42 78
pareidolie.net