Neuf artistes en scène, une vingtaine de cannes – ces accessoires tubulaires servant à stabiliser l’équilibre sur les mains – et autant de possibilités. Le futé Collectif des équilibristes utilise la force du nombre pour décupler l’effet de ses acrobaties. C’est d’abord sous forme d’exercices de style qu’ils donnent à voir leur grammaire corporelle : décomposer le geste en le démultipliant, tel un prisme restituant le spectre lumineux. Puis les saynètes s’enchaînent, dans une sereine assurance baignée d’une musique cadencée et hypnotique, jusqu’au motif le plus inventif : mimer l’animal et ses comportements défiant parfois l’entendement. Et c’est bluffant ! Sous nos yeux, un vrai troupeau d’autruches prend vie, enfouissant sa tête pour fuir les absurdités bureaucratiques de notre monde, ou réclamant simplement la becquée. À se tordre de rire. Et si les décrochages récurrents entre l’acrobate et son personnage sont parfois superflus – eux-mêmes le soulignent non sans humour : « vos métaphores d’équilibristes, on n’y comprend rien ! » -, qu’importe le sous-texte. On se laisse embarquer par l’irrépressible transe. Un vrai coup de fraîcheur sur la mise en pratique d’une mono-discipline, qui n’est pas sans rappeler la force expressive du Collectif XY et ses virevoltants dix-huit porteurs et voltigeurs. Qu’il s’agisse d’une traversée solo en équilibre sur des cannes, à la manière d’un échassier hésitant, d’une succession de flashes en clair-obscur s’enchaînant par de rapides fondus au noir successifs ou encore d’une jubilatoire session en boîte de nuit, la compagnie entraîne tous les âges, sans rogner sur son esthétique contemporaine. Léchée, la mise en scène est magnifiée par un exemplaire travail sur les lumières, qui sculpte et cisèle, et une bande sonore sur mesure, ni trop présente, ni trop cliché. Graphique et élégant, drôle et envoûtant : on en frétille d’aise.
JULIE BORDENAVE
Le complexe de l'autruche a été joué le 5 février, au Théâtre de l’Olivier, à Istres, dans le cadre des Élancées .