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Maroc et péril climatique

Dans Souviens-toi des abeilles, Zineb Mekouar dresse un hymne à la nature, à la préservation du vivant et à la transmission

On avait découvert le formidable talent narratif de Zineb Mekouar avec son premier livre La Poule et son cumin qui lui avait valu de faire partie des finalistes du Goncourt du premier roman 2022. Elle y racontait le destin de Kenza et Fatiha, deux petites filles issues de milieux sociaux opposés se retrouvant adultes à Casablanca. Qu’étaient-elles devenues dans cette société qui punit l’avortement et interdit l’amour hors mariage ?

Elle nous revient avec ce bouleversant Souviens-toi des abeilles (Gallimard), qui aborde avec un souffle poétique les difficultés d’un monde rural marocain se heurtant inexorablement au réchauffement climatique, à la sécheresse des sols, au tarissement des sources, à la suffocation des plantes. Cette souffrance de la nature pousse les hommes vers les villes et des destins incertains ; un exode qui atomise, fait disparaître les lignées, les tribus, les traditions.

Sur les hauteurs du village d’Inzerki, le Taddart apparaît, immense, adossé à un flanc de montagne. Il est construit en terre, sur cinq étages, chacun étant composé de cases pouvant contenir plusieurs ruches de forme circulaire, faites de roseaux tressés. Chaque ruche appartient à une famille. « Voler » du miel qui n’appartient pas à sa lignée peut entraîner les pires calamités.

Gardien de la mémoire

Un soir, alors que son bébé malade est pris de spasmes, Aicha désespérée se rend en pleine nuit au rucher sacré afin de le nourrir avec le meilleur des miels, celui des abeilles noires. Depuis cette nuit, il y a onze ans, Aicha a cessé de parler même à son fils Nadir, indifférente à tout. Parfois, elle est saisie de crises qui la font hurler dans la vallée. Pour les villageois, elle est la « possédée », « l’étrangère ». De son côté, le père, Omar, est parti travailler à Agadir, censément pour gagner de quoi nourrir sa famille restée au village, mais surtout pour fuir cette femme qu’il aime mais qui n’est plus qu’un fantôme. Heureusement pour Nadir, il y a Jeddi, le grand-père gardien de la mémoire de ses années de jeunesse lorsque chaque ruche abritait des milliers d’abeilles et que leur bourdonnement s’étendait à des kilomètres autour du village ; témoin d’un temps où la gestion de l’eau et le ramassage du bois se réglaient en Jmaa, en conseil des sages. Jeddi détient le secret des vents, des caroubiers, des oliviers, des thuyas et de l’arganier centenaire Mais surtout, il sait parler aux abeilles. À travers lui et sa transmission de mémoire et de savoirs, c’est un véritable hymne à la nature, au vivant que nous offre Zineb Mekouar.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Souviens-toi des abeilles, de Zineb Mekouar
Gallimard – 19 €
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