La découverte de l’exposition Christian Jaccard, une collection commence au rez-de-chaussée du musée Fabre, dans un atrium dont la lumière donne à voir toute la démesure de grandes bâches blanches traversées par des traces plus ou moins sombres. Ce sont les stigmates encore vivaces de la combustion d’une mèche lente. Né en 1939, Christian Jaccard est un compagnon de route du mouvement Supports/Surfaces dans les années 70, en lisière de ce groupe porté par des languedociens comme Claude Viallat, Vincent Bioulès ou encore Daniel Dezeuze. Avec eux, il partage un questionnement profond sur la peinture ainsi que la volonté de s’intéresser à la matière au-delà même de la notion de représentation. Cela se fait en détournant les supports traditionnels de l’art pictural avec les moyens les plus humbles possibles. Comme la chute d’une mèche lente. Une découverte inopinée au gré d’une promenade, nourrissant rapidement l’idée de la nouer sur elle-même avant de l’enflammer sur une toile.
Donation de 24 dessins
À l’étage, quatre salles en enfilade nous laissent le temps de nous imprégner d’une quête presque alchimique où l’incandescence joue un rôle central. On y découvre la fascination de Jaccard pour l’empreinte, qui laisse une trace indélébile d’un objet devenu absent, ainsi que le goût du polyptyque, dans une démarche proche du rituel. La mèche lente laisse parfois place à la combustion du gel thermique, comme pour la flamboyante peinture Tondo BRN 04, d’une perfection toute en rondeur inspirée par l’impétueux Vésuve. L’exposition présente également de nombreuses sculptures issues d’un « concept supranodal » inventé par l’artiste, lequel recouvre des objets du quotidien (pinceaux, brouette, outils de jardinage) sous une accumulation de nœuds. L’accent est volontairement mis sur le travail sur papier de l’artiste, le fruit d’une donation de 24 dessins réalisés entre 1970 et 2017 par celui qui travaille entre Paris et Saint-Jean-du Gard. Cela illustre au mieux la façon dont le peintre expérimente son art de la combustion par la mèche lente sur toutes sortes de texture : papier Japon, papier d’Arches, vélin de Rives, papier offset, papier Bristol, papier Canson… Certaines feuilles sont tellement calcinées que l’on se demande comment elles peuvent être encore intactes. D’autres sont juste balafrées, presque transcendées par la magie de l’aléatoire. Jouer avec le feu s’apparente alors à une déclaration d’amour aux mystères du vivant.
ALICE ROLLAND
Christian Jaccard, une collection
Jusqu’au 21 avril
Musée Fabre, Montpellier