C’est un professeur passablement énervé et stressé à l’orée de l’inauguration de son musée qui nous accueille sur scène, suivi de près par une équipe de choc. Diantre, la guide documentaliste a mis le pied dans le carré de l’agriculture ! Le parti pris est original et s’avère séduisant de prime abord : déjouer le docte didactisme pour nous parler des temps préhistoriques sous forme de comédie musicale vive et enjouée.
Batteur émérite, Mathieu Bauer emmène son groupe de rock expérimental avec fougue. Sur scène, il sait orchestrer son petit monde. Déco à base de stalagmites, costumes donnant corps – poilus – aux peuples préhistoriques, à base de moult fourrures et moumoutes en tous genres, conférant une sympathie bonhomme à nos aïeux. Ludique, la mise en abyme est plutôt bien pensée. Le prétexte de l’agencement d’une scénographie muséale permet de revisiter les grandes étapes de la recherche paléontologique.
Potache
À la clé, les questionnements qui saisissent inévitablement le chercheur devant sa découverte. Solitude des experts sommés de faire parler des vestiges ou ossements parfois abscons, recontextualisation des inévitables surinterprétations ancrées dans leurs époques… Las, la magie se dissipe rapidement. Il faut attendre une bonne moitié de spectacle pour cerner un début de réel parti pris : ne pas se satisfaire du réducteur nomadisme versus sédentarité, résister à la tentation de considérer l’agriculture comme la mère de tous les vices, requestionner le mythe romantique du vertueux chasseur cueilleur.
Mais le tout reste trop potache, se contentant d’effleurer son propos ; chaque début de réflexion est trop rapidement battu en brèche. Les élans musicaux donnent cependant lieu à quelques moments de grâce. Et certaines saynètes tirent leur épingle du jeu – une savoureuse dégustation de chef au sens littéral du terme, l’analyse de l’émergence du besoin de transcendance, l’énumération des rôles sociaux assignés à chacun. On a malgré tout l’impression d’un rendez-vous manqué, et il faut attendre l’épilogue autour de George Bataille et de son méconnu Miracle de Lascaux pour vraiment donner de la profondeur à l’ensemble.
JULIE BORDENAVE
Paléolithique Story a été joué du 6 au 10 décembre au Théâtre Joliette, Marseille.
Une programmation hors les murs du Théâtre du Gymnase.