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Noël vibre au son du belcanto

À Marseille et à Toulon, les fêtes de fin d’année se célèbrent en compagnie des deux chefs-d’œuvres pétillants de Rossini et Donizetti

Décembre s’achève sur deux productions pensées pour célébrer le « bout d’an » et le passage à 2026. À Marseille, Le Barbier de Séville de Rossini investit l’Opéra municipal du 26 décembre au 4 janvier, tandis qu’à Toulon, Don Pasquale de Donizetti s’installera hors-les-murs de l’Opéra le 31 décembre et 2 janvier au Zénith. Deux œuvres incontournables de la tradition belcantiste, unies par la finesse et la virtuosité de leur écriture vocale, un art consommé du comique et, surtout, une légèreté qui défie avec malice les conventions sociales. 

Séville rit, Marseille chante

À la tête de l’Orchestre philharmonique de Marseille, la direction musicale, confiée à Alessandro Cadario, promet de mettre l’orchestre au diapason belcantiste. Le chef a notamment fait forte impression au Rossini Opera Festival avec La Cenerenola, mais aussi ailleurs dans Norma.

Son Barbier sera servi par une distribution solide et vive, menée par Éléonore Pancrazi dans le rôle de Rosina : la mezzo-soprano a déjà bâti une carrière versatile allant du baroque à la musique contemporaine, tout en cultivant une belle affinité avec le belcanto et Rossini. Lauréate d’une Victoire de la Musique, elle possède précisément ce qui fait une Rosina convaincante : un legato princier, une colorature nette, une musicalité qui passe sans effort du sourire franc à l’ironie. Aux côtés de Pancrazi, le ténor Santiago Ballerini incarne le comte Almaviva, qu’il connaît bien. Amoureux fou de Rosina, encore loin des traits plus sévères et autoritaires qu’il revêtira dans Les Noces de Figaro, le personnage est ici un jeune premier, secondé dans ses manœuvres pour libérer la jeune pupille par un « factotum » redoutablement malicieux.

Formé au baroque mais passé depuis, entre autres, par le Salzburger Festival et plusieurs maisons germaniques, le baryton napolitain Vito Priante promet d’incarner ce Figaro espiègle et vif sans effort. Le Nîmois Marc Barrard, Andreea Soare, Alessio Cacciamani et Gilen Goicoechea complètent une troupe qui sait faire pétiller les ensembles à rallonge.

La mise en scène et les décors sont signés Pierre-Emmanuel Rousseau, qui assume également les costumes : un parti pris visuel cohérent pour cette production coproduite avec l’Opéra national du Rhin et l’Opéra de Rouen-Normandie et déjà amplement saluée ailleurs. Sa lecture du livret de Sterbini, d’après Beaumarchais, joue la carte de la clarté et de l’allégresse, en accord avec le génie comique de Rossini mais aussi l’ancrage andalou que le metteur en scène célèbre joliment, sans jamais sombrer dans le piège de l’exotisme.

Il Barbiere di Siviglia © Opéra national du Rhin 2018, Klara Beck

Toulon, farce et liberté

À Toulon, Don Pasquale réunit une distribution tout aussi solide, avec David Bižić en tête d’affiche. Le baryton serbe, lauréat d’Operalia, exclusivement habitué aux grandes scènes, a décliné ses Don Giovanni, ses Leporello et ses rôles rossiniens sur plusieurs scènes européennes. Dans Don Pasquale, il combine autorité vocale et fantaisie : le mélange idéal pour ce personnage à la fois ridicule, tendre, dépassé. 

Face à lui, la jeune soprano Lauranne Oliva, révélée par une série impressionnante de concours, dont celui de Voix Nouvelles, incarne Norina avec l’énergie d’une interprète déjà très affirmée. Mozartienne chevronnée, également formée au baroque avec La Calisto et Mitridate, elle excelle dans les rôles d’héroïnes piquantes et vives : un style direct, précis, qui promet une Norina pétillante et stratège, davantage maîtresse du jeu que victime consentante. Afin de plumer le vieux patriarche, la soprano redouble de séduction et de malice. Et c’est là tout l’intérêt de Don Pasquale : Norina n’est pas une ingénue passive mais une héroïne qui manœuvre avec habileté pour sauver l’amour d’Ernesto, et dont la ruse devient le moteur d’une satire subtile des conventions sociales et des jeux de pouvoir entre les sexes. 

Armando Noguera, baryton formé au Teatro Colón et à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, et souvent applaudi, entre autres, à Toulon et à Marseille apportera à Malatesta sa diction nette et son naturel scénique – qualités déjà éprouvées, entre autres, dans Figaro, Papageno ou Dandini. Pour compléter, Jonah Hoskins, ténor passé par le Lindemann Young Artist Program du Metropolitan Opera, a le profil exact de l’Ernesto idéal : lyrisme clair, jeunesse, phrasé impeccable, rôles belcantistes déjà installés (Nemorino, Fenton, Belfiore).

Dans sa version en trois actes chantée en italien surtitré en français, l’opéra s’inscrit dans la plus pure tradition de l’opera buffa: duel de générations, stratagèmes amoureux et retournements de situation rythment cet opéra bouffe, sommet dramatique situé quelque part entre l’incisif Barbier et le bouffon Falstaff de Verdi. 

La mise en scène de Timothy Sheader, saluée, entre autres, à Nancy, Lausanne, Nice et Rouen,mise sur l’énergie, la couleur et le burlesque ; elle promet une lecture à la fois respectueuse du style et pleine de vie, portée par les décors de Leslie Travers et des costumes de Jean-Jacques Delmotte

Belcanto, rires et émancipation

Rossini et Donizetti, artisans de cette saison des fêtes, nous rappellent combien l’opéra belcantiste est un art de la voix, de l’esprit et de la liberté : la musique chante autant l’élégance des lignes vocales que la vivacité des caractères. Rosina et Norina, plus malicieuses que naïves, transcendent les caricatures et s’affirment, chacune à sa manière, comme des figures d’émancipation. 

À Marseille comme à Toulon, le belcanto champagne célèbre ses héroïnes libérées pour des soirées où rires et émotions se mêlent sous les lustres des scènes provençales.

SUZANNE CANESSA

Il Barbiere di Siviglia
Du 26 décembre au 4 janvier
Opéra de Marseille

Don Pasquale
31 décembre & 2 janvier
Zénith de Toulon

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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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